Génialement agaçant

Et de 3. "Alerte rouge" est le troisième film de catégorie A chez Pixar, a avoir été privé de sortie (officielle) au cinéma après "Soul" et "Luca". Une politique que Disney impose et dont le Covid est le prétexte opportun pour justifier d'en faire des exclusivités sur leur plateforme Disney+. Un jeu dangereux, car à force de marketing à tout va chez Mickey, le spectateur non averti qui ne remarquerai pas le logo Pixar en tout petit sur l'affiche, n'arrive plus à distinguer les productions Pixar des autres productions Disney, d'autant que leurs directions artistiques sont de plus en plus proches. J'ai moi-même zappé la sortie de ce film, pensant qu'il s'agissait d'un énième film d'animation pour 6-8 ans... Quelle erreur !

Pourtant tous les marqueurs sont là, pour confondre ce film avec une opération marketing de grande ampleur : la mascotte mignonne, la cible des spectateurs mineurs, une comédie débridée et même un marché mondial très ciblé (le marché asiatique). Tout ça sent l'opportunisme à plein nez... Et ça l'est !

Et pourtant la magie Pixar frappe à nouveau, car le film va bien au-delà de ce parfait plan de communication. Le film cible très clairement le public des adolescentes de 12/15 ans, qui se reconnaitront dans ce portrait de société. Toutes les mimiques et le comportementalisme agaçant d'une fille de 13 ans est parfaitement analysé dans la bande de copines de Mei Mei, tellement caricaturale... et tellement juste à la fois ! L'animation de Pixar est encore une fois d'une justesse parfaite ! J'en ai presque pleuré tellement c'est bien fait. Si les jeunes s'identifieront sans problème à l'univers du film, les adultes eux passeront un bon moment à en rire, peut-être en se souvenant qu'eux même sont passé par là.

Mais le plus de Pixar, c'est qu'encore une fois, il comporte une double lecture. Car au-delà d'être une simple comédie rigolote, le film parle de ce passage de l'enfance au monde adulte chez les filles. Du détachement progressif de la cellule familiale, de la prise de conscience de son corps, des premiers émois amoureux et même, surement pour la première fois dans un film jeune public, des menstruations ! ("Turning red", titre anglais, étant un parfais exemple de la double lecture du film).

La deuxième cible du film est aussi très clairement celle du marché asiatique (le plus grand du monde) et pour ce film la direction artistique de Pixar, va très clairement se "mangaifier". On retrouvera ici de nombreuses caractéristiques du genre (les bouches en cacahouettes, les grands yeux expressifs, une animation parfois très saccadée) et de très nombreuses références à la culture sino-nippone (les pandas, la religion, la K-Pop, Godzilla), même si certains pourront reprocher un certain amalgame des différentes cultures asiatiques vu de l'occident. Mais tout ça est fait de façon très subtile et n'oublions pas que le film se situe au Canada.

Le secret de cette réussite sino-américaine tiens, très certainement, dans sa réalisatrice Domee Shi, qui avait déjà remporté un Oscar pour son court-métrage "Bao" en 2018. On sent à travers le film que la réalisatrice y a mis beaucoup de ses souvenirs personnels et cela fait toute la différence entre "Alerte rouge" et un autre film d'animation pop-corn.