C'est un vendredi soir que je découvris le précédent film de Félix Van Groeningen, "La merditude des choses". Alors que je n'en attendais absolument rien, uniquement aguiché par un titre fantaisiste, quelle ne fut pas ma surprise d'être profondément touché par l'histoire de ce gosse élevé par un père alcoolo et violent mais ô combien aimant. Un savoureux mélange de chronique familiale trash à la "Affreux sales et méchants" et d'émotion pure qui me laissa sur le cul. C'est peu dire que j'attendais le nouvel opus du metteur en scène avec impatience.

Sur un sujet proche de celui de "La guerre est déclarée", Félix Van Groeningen tire un mélodrame flamboyant, ne se cachant pas derrière un quelconque humour ou une poésie apaisante, mais épousant au contraire la douleur de ses personnages dans toute sa puissance destructrice sans jamais tomber une seule seconde dans le larmoyant ou le pesant. Son film est aussi douloureux qu'aérien, aussi pudique que lyrique, offrant des images sublimes par la grâce d'une mise en scène en apesanteur.

Comment faire face à la maladie, comment croire aux merveilles du monde qui nous entoure quand la mort rôde et menace à chaque instant, comment survivre au néant ? Le cinéaste pose des questions cruciales et complexes mais ne prétend jamais y répondre, laissant le soin aux spectateurs de se faire leurs propres conclusions. Il se contente d'observer le drame qui se joue face à nous tout en triturant la linéarité, jonglant avec passé, présent et futur sans jamais nous perdre un seul instant, renforçant l'émotion et l'implication du public.

Fasciné par l'Amérique, par sa liberté et la seconde chance qu'elle semble offrir à tout un chacun, par son folklore, ses croyances, ses contradictions et surtout sa musique, Félix Van Groeningen plonge son film dans une ambiance purement bluesy, convoque les fantômes de Hank Williams et de Woody Guthrie, hisse la rythmique et le son des cordes au stade de religion, fusionnant son récit et sa merveilleuse bande originale dans un concentré d'émotions brutales et enivrantes.

Porté par un duo de comédiens incroyables et par une bande son bluegrass envoutante, "Alabama Monroe" est un film déchirant doublé d'une magnifique histoire d'amour, une tempête émotionnelle aussi fracassante que délicate, un drame à échelle humaine proprement bouleversant rythmé par une voix et un banjo qui risquent fortement de rester gravé dans mon coeur pendant un moment.
Gand-Alf
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le 28 févr. 2014

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