Aguirre n'est pas vraiment un film historique. Il n'y a jamais eu d'écrit de ce moine récupéré. Tout comme ça ne s'est jamais terminé comme ça, aussi bien pour sa fille que pour son équipage qui n'était d'ailleurs pas à ce nombre. De toute façon il n'y a pas à discuter d'aberration, mais seulement de l'oeuvre en tant que telle, sachant qu'Herzog a toujours eu l'ambition de faire du cinéma pur et dur.


La scène d'ouverture tournée sur les monts bordant le Machu Picchu est hallucinante, vertigineuse. Son sixième sens cinématographique sans cesse en éveil, Herzog sera toujours prêt à capter la beauté au naturel, et cela toujours au moment opportun comme pour cette ouverture saisie avec autant de mérite de persévérance que de chance au milieu de cette brume épaisse.


Abondant de réalisme, celle-ci va non pas se confronter à la réalité, mais s'y mêler. C'est une véritable torture que l'équipe va subir durant ces sept semaines de tournage. Ce sera salissant, apeurant, long et affreux. Et malheureusement le résultat l'est tout autant pour le film qui en résulte.


C'est d'une heure et demie interminable, comprendre chiante à en crever et d'un vide scénaristique incroyable. La contemplation opère très bien quand on navigue de tempête en naufrage avec ce fleuve énervé, mais quand le calme revint, ce n'est plus le fleuve qui s'énerve, c'est quelqu'un d'autre qui s'impatiente. Scénario torché en moins de deux semaines, ça se ressent. Les dialogues sont d'un ennui pas permis et quand ça réussit à être intéressant, c'est expédié façon shooter dans gosier. Comment ne pas regretter le manque d'approfondissement du dialogue quand Aguirre incite à envoyer le roi se faire foutre ?


Triste réflexion limitée. Du coup il reste quoi à Aguirre à part des anecdotes de tournages et de jolies plans ? Il y a une confrontation intéressante entre la réalité et la fiction. En effet quand on regarde le film, on ne voit plus que ça, on voit un travail de cinéma, les représentants dépassent cette chiante représentation. Il y a également de la "poésie". La scène avec le papillon est jolie, étonnement bien captée comme de nombreux plans par-ci par-là mais surtout des scènes de marches chiantes qu'on se farcit partout.


Aguirre c'est quoi finalement ? C'est un peu comme un camping sauvage en Bretagne. Tout ce qu'il y a autour force le respect : c'est une épreuve dont on est fier d'avoir réussi car les conditions sont affreuses, c'est un peu un koh-lanta perso'. On s'inflige une épreuve pour dire «j'ai vécu quelque chose d'extraordinaire, c'était dur mais je suis content». Alors qu'au fond on sait tous que c'est un supplice qui ne sert qu'à prouver aux autres et surtout à soi-même que «t'as réussi à le faire». Dans tous les cas, ça reste un ennui où tu n'as rien à faire, à part t'adapter au climat pourri.


Aguirre est une pellicule qui témoigne d'une aventure de tournage incroyable, mais d'un film ennuyeux et vide composé d'images exotiques. Images qui forcent néanmoins le respect mais étouffées par une maîtrise de rythme inexistante, que certains qualifient de "sensorielle"...


Ça manquait juste d'un Predator en fait ?

Alex-La-Biche
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le 30 nov. 2016

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Alex La Biche

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