Alors, ce n'est peut être pas un film exempt de défauts, ni même vraiment ce qu'on pourrait appeler un bon film. Mais je me ferai aujourd'hui l'avocat du diable.
Edward Bear parle avec le cœur et avec bienveillance, et c'est assez rare dans le cinéma (ou disons de ce qui est le plus vu et mis en avant) pour être souligné. Il parle avec le cœur, comme d'habitude, sur les petites choses de la vie pleine de poésie. Quand dans ''Ouvert la nuit'' il faisait déambuler sa caméra entre théâtre et les nuits vivantes à Paris, ici, il la dirige sur un repas annuel, inhérent au temps qui passe que personne n'apprécie particulièrement mais que tout le monde supporte. On y observe la vieillesse, touchante, d'un regard extérieur, mais intimiste, caméra fébrile, à l'épaule et proche des acteurs.
Il parle avec le cœur et cela se traduit par un regard intime sur ses comédiens et amis en les laissant faire ce qu'il savent faire le mieux. Chacun joue un peu son propre rôle. En tout cas d'un point de vue extérieur et vis à vis de leur image publique, ce film, j'y crois pas mal. Benoît Poelvoorde lourd et encombrant face à sa propre lourdeur, Daniel Prévost cynique à l'humour glacé sophistiqué, François Damiens simple et conciliant, Pierre Arditi dans l'emportement et l'opposition, Gérard Depardieu lourd et encombrant aussi, au sens littéral lui (grosse blague, je suis fier), mais aussi renfrogné et grognon à l'idée de sociabiliser. Bon, je les fais pas tous, flemme de trouver assez d'adjectifs mais vous avez l'idée.
Disons qu'avec tout ça, j'oublie un peu que ce sont des acteurs, je les vois comme les humains qu'ils sont. Et ça, je trouve que c'est un point intéressant dans du film. Nos acteurs vieillissent, leurs caractères s'exacerbent et la peur de la vieillesse et de la mort pèsent sur chacun. Même les défauts que l'on pourrait reprocher au film en deviennent touchants. On arrive à fermer les yeux dessus pour regarder ces vieux comédiens se donner un petit moment de répis dans leur lutte effrénée contre l'âge.
Si le film peut être assez agaçant par moment, c'est comme je le ressentirait en assistant à un repas comme celui auquel on est exposé, et comme chacun des intéressés le ressent aussi. Mais malgré ça, on vit quelques moment éparses de convivialité et d'amusement. Tout cela en vaut peut-être la chandelle. S'échapper un instant de cette vieillesse redondante et de l'approche pesante de cette mort inévitable.