Il y a maintenant bien longtemps, Fred Cavayé, c'était Pour Elle, A Bout Portant, ou encore Mea Culpa. Soit une illustration de ce que la France pouvait offrir en matière d'excellence dans le genre policier / thriller.


La suite sera moins glorieuse, tout d'abord avec l'omnibus Les Infidèles, puis sur le terrain de la comédie grasse mais pingre et surtout lamentable qu'était Radin !, pour terminer sur un Jeu de sinistre mémoire dans sa pseudo étude de caractères en soirée bobo qui restait sur l'estomac.


Dur de retrouver dès lors ce qui avait fait la singularité et l'attrait du bonhomme depuis presque dix ans.


Adieu Monsieur Haffmann semblait, sur un fond historique, renouer quelque peu avec la veine suspens de la première partie de carrière du réalisateur, soutenu par un semi huis-clos qui aurait pu être étouffant. Mais s'il est toujours agréable d'assister sur grand écran au retour d'un artiste que l'on pensait perdu pour la cause, certaines scories peu communes pour un gars comme Cavayé font penser que le bonhomme est encore sur le chemin de la convalescence.


Car le portrait qu'il exécute avec ce diable de Gilles Lellouche mérite d'être mis en avant comme la principale pépite de Adieu Monsieur Haffmann, analogue au portrait d'une certaine France de l'occupation, au départ pas méchante, mais qui glisse peu à peu et surtout inexorablement dans l'ignominie au contact de l'occupant.


Doublé du portrait intime d'un homme qui sera renvoyé, pendant tout le film, à ses failles, à ses faiblesses, à ses imperfections. Ainsi, son handicap, son impossibilité de défendre son pays, son incapacité à donner un enfant à son épouse : tout cela contribue à souligner que François Mercier ne s'aime pas, réinvestissant tout l'amour dont il est capable envers sa femme.


Mais la plaie la plus vive est sans doute cette rivalité avec ce patron si doué dans son art, qui lui rappelle constamment qu'il ne peut rivaliser avec lui malgré sa volonté et ses idées, le condamnant à rester un homme de l'ombre poussé sur le devant de la scène par un accident de la grande Histoire. Avec ce patron littéralement remisé à la cave, devenu étranger dans sa propre maison, l'employé se rêve dès lors bijoutier alors que le costume qu'il enfile est à l'évidence trop grand pour lui.


Adieu Monsieur Haffmann ne peut cependant pas s'imposer comme une totale réussite dans la mesure où un certain aspect mélo entre Gilles Lellouche et Sara Giraudeau semble s'imposer au reste pendant toute la première partie du scénario, alourdissant parfois de manière non négligeable son déroulement.


Mais le plus rageant dans l'histoire, surtout venant de Fred Cavayé, c'est qu'il n'arrive pas à dynamiser son dernier film, à y instiller le suspens alors que le huis-clos brossé s'y prêtait pourtant avec une évidence frappante. De sorte que Adieu Monsieur Haffmann semble par instant ronronner, sans cependant jamais ennuyer.


Peut être mes attentes concernant une sortie de Fred Cavayé du genre comédie étaient-elles trop élevées. Mais aussi sympathique soit-il, le film ne renoue pas totalement avec la première partie de carrière du réalisateur.


Soit avec Pour Elle, A Bout Portant et Mea Culpa...


Behind_the_Mask, cave qui se rebiffe.

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le 15 janv. 2022

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