Au revoir ignorance : Adieu les cons est mon tout premier Dupontel, et tout tend à indiquer qu’il ne sera pas le dernier. Éminent visage du cinéma français actuel, ou tout du moins de son versant « honorable », le réalisateur/acteur fait plus que justifier sa réputation en signant là un long-métrage trépidant, enchanteur et… grinçant.
Renouant pour l’occasion avec l’exercice de la salle obscure, cette séance fut avalée d’une traite sans hoquet aucun : déroulant judicieusement son récit en moins d’une petite heure et des brouettes, Dupontel accouche d’une fable moderne oscillant entre air désabusé, atmosphère hors-du-temps et, paradoxalement, une douce ironie rhabillant pour l’hiver notre société moderne.
À bien des égards, le tour de force d’Adieu les cons consiste en son savant équilibre entre les tons : les motivations et la quête de Suze Trappet, campée par une Virginie Efira confondante de justesse, confinent au drame véritable quand, dans le même temps, le film n’aura de cesse d’y appliquer un vernis aux frontières de l’absurde… sorte de reflet déguisé d’une époque elle-même démente, abrutie et désespérante.
Ce schéma se répète sans redondance chez l’infortuné JB (royal Dupontel, décidément sur tous les fronts), poussé au suicide par une absence de reconnaissance froide, inhumaine : leur rencontre, non sans anicroches, nourrira une osmose des plus touchante, dont le potentiel amusant prendra une ampleur des plus savoureuses sous l’égide de Serge Blin. Ce dernier, ressort comique de son état, démontre d’ailleurs bien du juste dosage qu’opère de bout en bout Adieu les cons, celui-ci ne tombant jamais dans l’excès malgré son usage plus ou moins constant.
Jouant des peurs et aspirations de son trio d’attachants hurluberlus, le long-métrage s’avère ainsi être un pur régal. Qui plus est, il arbore une plastique franchement réussie, la photographie d’Alexis Kavyrchine conférant au tout une aura chaleureuse, alimentant un contraste saisissant avec l’évidente teneur dramatique à l’œuvre. Tout concourt ainsi à justifier, dans une certaine mesure, le brusque accès de tendresse dont se pare son dernier acte : faisant fi de toute vraisemblance, du moins dans la lignée des travers sociétaux qu’il pointait jusqu’ici du doigt, le fils perdu trouvera l’amour au moyen d'un stratagème haut en couleur.
Quant à son inconnue de mère, celle-ci profitera d'une dernière étreinte pour s'en aller. Définitivement. Terrible tomber de rideau que voici, tout indiqué pour boucler la boucle : « Adieu les cons ». Reste, s’il fallait vraiment chipoter, une outrance sporadique dans la satire (le cas des violences policières n’est guère fin), mais ce serait cracher dans la soupe et prendre le risque de passer à côté de l’essentiel : ce fut tristement « beau ».