719 365 entrées. Voilà le petit miracle qu'avait fait le dernier film d'Albert Dupontel en un peu plus d'une semaine d'exploitation, en plus des chiffres des avant-premières. S'il n'y avait pas eu la fermeture des salles françaises fin octobre, il aurait certainement atteint les scores de Neuf mois fermes et d'Au revoir là-haut (plus de 2 millions d'entrées chacun), bien aidé par un bon bouche à oreille. Preuve qu'il y a une justice, sa ressortie ces derniers jours lui a fait passé le cap du million d'entrées et il se peut qu'il continue sur sa lancée, malgré les nouveautés.
D'autant plus que le film se pose dans un contexte entre drame et absurde, loin d'un projet sentant la joie de vivre. Il y a d'abord la maturité héritée du précédent film de Dupontel, avec des personnages au bord du gouffre, cherchant une manière d'exister dans un monde qui ne veut plus d'eux et les rejette. Dupontel incarne un homme talentueux brisé par des employeurs préférant la jeunesse. Virginie Efira se meurt à petits feux à cause de ses outils de travail quand Nicolas Marié est relégué aux quotas d'entreprise (un aveugle aux archives).
A travers ses laissés-pour-compte (pas mieux lotis que les précédents héros du réalisateur), Dupontel dévoile un monde froid, artificiel (ce qui se reflète dans la photographie de Alexis Kavyrchine qui filme les immeubles de manière aseptisée) et dont les rares relents d'humanité sont ce trio de choc et quelques autres personnages qui les accompagnent (dont un émouvant Jackie Berroyer). Certains spectateurs ont tiqué sur des scènes liées au fils d'Efira (Bastien Ughetto). Elles confirment pourtant une société où le contact humain ne se fait quasiment plus au profit d'une utilisation omniprésente de la technologie pour tout et n'importe quoi. Les rares interactions se font alors par la banalité d'une situation, ici un voyage en ascenseur. Ce qui peut paraître aussi improbable que triste.
Mais Adieu les cons se révèle également génialement absurde (à l'image des premiers films de Dupontel) quand il ne va pas dans une direction mélancolique. A l'image de Brazil de son ami Terry Gilliam (qui fait un caméo absolument hilarant), Dupontel dévoile une bureaucratie entre jeunisme (le fidèle Philippe Uchan n'est pas loin de citer la montgolfière des Trois frères) et foutage de gueule (retrouver un simple contrat vaut presque une fouille archéologique à faire trembler Henry Jones Jr). Le constat n'a pas tant changé depuis Les douze travaux d'Astérix (1976) et la séquence avec les deux trublions du Palmashow tient du génie pur à ce niveau.
Si Dupontel a un rôle intéressant, ses collègues Efira et Marié bouffent littéralement l'écran, la première confirmant qu'elle est l'une des actrices les plus intéressantes du cinéma français actuel, le second qu'il est l'un de ses meilleurs second-rôles. Adieu les cons s'impose comme un film aussi drôle que terrible, montrant un constat social doux-amer qui se confirme encore plus dans ses dernières minutes. Même la Mano Negra ne pourra peut-être pas aider à faire passer la pilule durant le générique de fin.