Ace Ventura, en voilà un personnage au potentiel humoristique inépuisable, du moins autant inépuisable que ne l'est la vie sur Terre, puisqu'il fait des chiens et des chats sont métiers, des humains ses clients, et des buissons ses cachettes,
disons donc que le potentiel humoristique d'Ace Ventura est inépuisable à l'échelle d'une bobine de cinéma... mais que sur le long terme il aura bien fallu que les aventures du détective animalier me lassent (comme l'humanité semble s'être lassée de la nature), à force de visionner et même de me répéter dans ma tête certains des gags les plus géniaux et jouissifs de la série. au sein de laquelle selon moi l'acteur se lâche comme nulle part ailleurs,


Jim Carrey assume souvent dans ses comédies le rôle d'un personnage qui par la force des choses devient quelqu'un d'autre, soit qu'il découvre ou se découvre un pouvoir magique, soit qu'il est frappé d'une malédiction, soit souvent un peu des deux, le pouvoir allant toujours avec son lot de malédictions, et la malédiction elle-même allant toujours avec son lot de pouvoirs,


l'acteur investit des personnages qui eux-mêmes jouent depuis toujours ou se retrouvent à devoir jouer un rôle artificiel, il en parle frontalement dans le documentaire Jim and Andy, qu'il se sent avoir toujours été la marionnette d'Hollywood, et qu'il a voulut l'être même, qu'il s'est battu pour ça, poussé par le double ardent désir de l'artiste, à la fois celui d'être au centre de l'attention et celui de faire du bien aux autres, de se plier à ce qu'ils voulaient de lui, le rire,


mais dans la rétrospective qu'il fait au cours du reportage, il témoigne je crois de la douleur d'une telle position, et que ses films toujours abordent de manière méta cette douleur, de s'être perdu corps et âme dans la maxime du Globe, le théâtre londonien de Shakespeare, qui nous dit que le monde est un théâtre,


c'est la pluie qui ne tombe que sur Truman, l'avocat qui souffre de ne plus pouvoir mentir, le fan de cartoon possédé par un masque... les films de Jim Carrey, derrière les grimaces et les gags poilants, sont des films sur l'impératif, sinon universel du moins moderne, subi par l'homme de devoir se définir pour exister auprès de ses semblables, et des films aussi sur le caractère intenable d'une telle posture sur le long terme sans tomber fatalement dans la caricature, voir l'explosion,


ce sont des personnages a priori posés dans le monde qui pourtant explosent, vers une libération, toujours, comédie oblige.


Le reportage Jim and Andy, pas loin d'être un docu-fiction, nous propose un burnout en dehors du cadre, celui de l'acteur lui-même, qui à nos côtés se retourne sur le tournage du film Man on the moon, le bien nommé, qu'il a vécu comme véritablement et violemment possédé par le protagoniste de la fiction, Andy Kaufmann,


la mise en abyme est telle que dans le réel même, dans le reportage donc, Jim Carrey conclut par la formulation d'une libération, de quelque chose de fabuleusement métaphysique, d'un désir d'être enfin soi, avec toute la simplicité tendre et effrayante que cela implique, parce qu'elle confronte à l'humilité existentielle, de l'individu en équilibre précaire sur d'immenses plaques tectoniques en suspension dans de la lave...


tout cela, la libération latente aux prises d'une douleur sociale, multiplie par l'infini la tendresse que j'éprouve pour chacun des films de Jim Carrey.


Les deux comédies Ace Ventura cela dit font exception, en ce qu'elles proposent un personnage tout à fait entier, avec une déontologie qui lui est propre et complètement décalée au sein de laquelle l'animal serait au-dessus de l'homme au regard même de la loi, une déontologie qu'il assume avec une décontraction puérile et sans faille, toujours le dernier mot, toujours le dernier gag, peu importe s'il doit recourir à la surenchère,


les caniches sont des joyaux, les humains des incapables, il ira jusqu'à porter un chasseur de safari en écharpe, et renaître de l'anus d'un rhinocéros mécanique, le parti pris inconditionnel envers la nature contre l'homme frôle le cynisme, mais c'est le petit pas de côté temporaire libérateur pour jouir d'un sentiment de plénitude, peu importe le lieu, le temps d'un film, de deux films, aussi relativement absurdes soient-ils.


https://www.youtube.com/watch?v=7YrpmZFixp0

Vernon79
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le 3 nov. 2018

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