Tout pourrait se résumer dans la belle et silencieuse scène d'ouverture, qui montre une jeune fille qui danse, dont le corps lâche mais qui toujours se relève, animée par la seule compétition qui vaille : celle de l'art et du dépassement de soi.

Scindé en deux segments d'égales longueurs, About Kim Sohee est forcément un peu déséquilibré. La première partie, qui se concentre sur la Kim Sohee en question, est impeccable, plongeant son personnage, touchant d'humanité, et le spectateur avec elle, dans l'horreur d'un capitalisme froid et déshumanisé, tout organisé pour mouler puis écraser les jeunes générations, et animé par une logique mortifère de violence qui dresse les individus les uns contre les autres et dont l'issue semble d'emblée acquise.

La seconde accuse quant à elle quelques longueurs, quelques répétitions (des témoignages qui ne font que rappeler ce qu'on a vu avant), quelques facilités (on en a déjà vu des flics taciturnes, solitaires et mutiques qui peut à peut s'humanisent en s'ouvrant à leurs victimes et en se mettant à leur place). Mais elle a le mérite d'enfoncer le clou et de creuser encore plus profond le problème grâce à une série de portraits qui dévoilent l'ampleur systémique du problème, la sclérose délibérée d'un pays et de ses habitants, devenus des pions incapables d'agir, désemparés, odieux car tentant chacun de survivre, broyés par une organisation qui les surplombe et contre laquelle il ne peuvent rien d'autre que jouer le jeu et rejeter la faute sur l'autre.

About Kim Sohee, par son analyse froide mais heureusement incarnée des mécanismes capitalistes les plus voraces, place sa réalisatrice July Jung en une sorte de Stéphane Brizé coréenne. Elle y décortique en effet habilement mais sans surprise (et c'est peut-être ce qui pèche un peu) un mécanisme de compétitivité qui gangrène toutes les couches, de la sphère intime à la vie professionnelle, des entreprises privées toutes puissantes aux services publics démunis (si ce n'est complices).

Et dessine ainsi une société écrite selon les lois de la liberté d'entreprendre. Coréenne certes, mais si semblable à la nôtre.

Charles_Dubois
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le 8 mai 2023

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Charles Dubois

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