Abattoir 5
6.7
Abattoir 5

Film de George Roy Hill (1972)

Léger risque de spoiler.

Intéressant de voir comment Abattoir 5 s'inscrit dans la pure tradition du fantastique littéraire (je ne sais pas ce qu'il en est du bouquin original), gardant entiers son mystère, son ambiguïté concernant la véritable signification du récit. Sommes-nous face à un personnage aux pouvoirs surnaturels ou seulement à un homme se perdant petit à petit dans ses souvenirs, ne sachant plus faire la différence entre le réel et son imagination ? La construction narrative elle-même, alternant les moments dramatiques et ceux d'un burlesque littéralement incroyable (l'accident, le Captain America version Nazi, les habitants du Dome, la mort du soldat...), ne cesse de souligner cette incertitude. Une scène en particulier semble remuer le couteau : celle de la mère de Billy qui, discutant avec un homme dont on ne saura jamais rien, lui explique que son fils, vraisemblablement malade, revit au même moment la guerre. Comment le sait-elle ? Pourquoi n'est-elle pas étonnée ? Pourquoi cette scène précisément, la seule où un tiers (exception faite de Montana) accepte la nature du personnage, se déroule-t-elle dans un hôpital ? D'ailleurs, d'où vient le talent de Billy ? Le spectateur, baladé entre diverses époques, divers moments marquants du personnage, n'en saura jamais rien, ce qui fait là toute la saveur du film. Car, le long métrage n'est peut être au final qu'un film profondément triste sur l'état psychologique d'un homme qui n'a fait que souffrir toute sa vie (l'absence de père, le choc traumatique de la guerre et la perte du père de substitution, le mariage peu épanouissant, les enfants ingrats) et qui désire fuir la réalité par ces projections (jolie métaphore du cinéma, comme l'indique la scène du drive in). Certes, malgré quelques effets de montages visuels et sonores osés entre les époques, on aurait préféré un film peut être un peu plus nébuleux, plus onirique, comme nous l'annonçait cette magnifique séquence hivernale, que ce simple entrecroisement de séquences finalement ordonnées. Mais le résultat possède une réelle atmosphère et, perdu entre mémoire et réel, entre fantasme et vérité, Abattoir 5 s'inscrit timidement mais surement dans le même courant que Lynch, Resnais ou encore Has.
obben
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de science-fiction

Créée

le 23 mars 2013

Critique lue 1.1K fois

21 j'aime

2 commentaires

obben

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

21
2

D'autres avis sur Abattoir 5

Abattoir 5
obben
7

Perdu dans ses pensées

Léger risque de spoiler. Intéressant de voir comment Abattoir 5 s'inscrit dans la pure tradition du fantastique littéraire (je ne sais pas ce qu'il en est du bouquin original), gardant entiers son...

le 23 mars 2013

21 j'aime

2

Abattoir 5
batman1985
10

Un OFNI à voir et à revoir !

1972: c'est l'année du scandale du Watergate et lentement la guerre du Vietnam touche à sa fin. C'est dans un contexte politique évidemment très mouvementé que sort ce véritable OFNI qu'est Abattoir...

le 7 nov. 2011

16 j'aime

Abattoir 5
reno
8

Critique de Abattoir 5 par reno

Abattoir 5 est un film de dégoût – fidèle en cela à son titre – et son horizon, à la fois circulaire et point de retour perpétuel, plus que véritable ligne, en figure l'horreur, comme un bégayement...

Par

le 15 mars 2012

15 j'aime

9

Du même critique

M le maudit
obben
10

Predator

Après une douzaine de longs métrages muets dont les reconnus Mabuse le joueur, les Nibelungen ou encore la superproduction Metropolis, Fritz Lang s'attaque au cinéma sonore en 1931. Avec M - Eine...

le 18 avr. 2012

93 j'aime

9

Une femme sous influence
obben
9

Desperate housewife

De Cassavetes, je n'avais vu que Shadows et Faces, deux films qui, s'ils étaient notables pour leur vivacité et leur authenticité, m'avaient tout de même perdu en route par leur côté bordélique (en...

le 8 avr. 2013

64 j'aime

10

A Serious Man
obben
8

Why so serious ?

Dés les premières minutes d'A Serious Man, les frères Coen développent un univers délirant, mélange de tradition (l'introduction en apologue sans morale), de révolution culturelle et de rock...

le 24 mars 2012

61 j'aime

3