C'est avec ce History of Violence que Cronenberg entame une nouvelle page de sa carrière, en ancrant ses films dans des cadres réels, avec des histoires "réalistes", du moins sans côté SF ou quoi que ce soit. Par la même occasion il confirme son envie de ne plus toucher au scénario des films qu'ils réalisent, c'était déjà le cas dans Spider, et ici encore une fois il adapte une oeuvre. Et ca lui réussit plus que bien.


Le film commence par un plan séquence de plusieurs minutes, très froid, sans musique, et avec déjà une petite apparition de la violence, qui sera comme son titre l'indique, l'élément centrale du film. Mais ce ne sera pas vraiment pour tout de suite.


Puisqu'après ce plan séquence, Cronenberg nous présente une famille "parfaite", en tout cas tout ce qu'il y a de plus normale, vivant dans une bourgade de l'Indiana. On s'intéressera d'avantage au père comme vous l'avez compris, campé par un énorme Viggo Mortensen. Le canadien prend le temps d'installer ce qui semble être un père de famille comblé, stable, sans histoire et apprécié de tous. Jusqu'à ce que cette violence dont je parlais plus haut vienne à lui. Elle est d'abord là chez son fils certes, qui tente au départ de l'éviter, mais l'élément déclencheur de l'intrigue est bel et bien la rencontre entre les mafieux et Tom dans son resto, qui fera de lui une sorte de héros local. Sauf pour une personne.


C'est avec cette fameuse personne que se pose le deuxième vrai thème important du film : l'identité, la double vie. On le comprend un peu avant, parce que ce qu'il a fait dans son resto, un homme normal n'aurait pas pu le faire, même si lui dit le contraire en répondant à une journaliste après son exploit. Et quand un homme vient lui rendre visite, un certain Fagarty from Philadelphia, Pennysilvannie, (le bon vieux Ed Harris et sa tête de cinglé, en plus avec oeil défoncé) en l'appelant par un autre nom que le sien, on comprend qu'il y a un problème. Surtout en sachant que ce Fagarty n'a pas l'air de tremper dans de bonnes affaires.


On s'intéresse donc à cet homme tentant de se défaire de son ancienne vie, de repousser la personne dangereuse qu'il y a en lui. Mais est ce que c'est réellement possible de se défaire de son passé, de recommencer une nouvelle vie, de devenir un nouvel homme. On croirait même qu'il croit à ses propres mensonges, qu'il a oublié qui il était auparavant, mais dès qu'il touche à une arme il se transforme en Joey, son ancien lui, un gangster de la côte Est. Ce qui rend cela dingue c'est que Tom lui même parle de sa vraie identité (Joey machin-truc) comme un autre homme, un homme défunt, c'est quelque chose de quasi schizophrène. Se pose aussi la question de la propagation de la violence qui atteint son fils, ainsi que de toutes les répercussions que cela a sur sa famille, sur son couple en particulier.


De toute manière, on s'intéresse de très près à la psychologie des personnages, pas forcément en la creusant, mais parfois juste par des regards plein de désespoir, des regards triste, plein de détresse. Ou inversement plein d'espoir, comme dans cette scène finale autour d'un repas, tellement forte.


Pour revenir à la violence, fil rouge du film, elle est montrée de façon très particulière. Cette violence n'est jamais esthétisée, jamais abusée, jamais tournée en spectacle, toujours physique et sans artifice. Elle laisse des traces visibles, parfois hardcore, que Cronenberg prend un malin plaisir à nous montrer, comme pour nous dire que si on aime cette violence (et c'est la cas), il faut en accepter les dégâts, et dans le film ils sont souvent irréversible, très voyant. Ce qui est intelligent aussi, c'est qu'on ne les négligent pas, à l'inverse de beaucoup de gros film de nos jours, je pense par exemple à la blessure que Tom a au pied, qui sera présente tout le long du film. Ça paraît con, mais c'est important.


Chacune de ces scènes montrant cette violence raisonnent comme des coups en pleine figure tant elles sont montrées frontalement, froidement et sèchement, avec une économie de plans, mais des plans qui tapent tous dans le mille. Le tout accompagné par une musique subtile d'Howard Shore, qui prend complètement sens, comme pour la scène dans l'escalier qui aurait pu s'apparenter à un viol. En dehors de ces scènes de violence dont je parlais, j'ai par exemple adoré la façon dont Fagarty est montré, barodant dans sa voiture noire, puis dans son costume noir. En général la façon dont les personnages sont filmés est vraiment iconisante, mais pas dans le bon sens du terme (je ne sais pas si c'est compréhensible).


Enfin bref, là ce n'est même plus une claque, c'est un uppercut.

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le 21 août 2022

Modifiée

le 21 août 2022

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Kieran_h3ld

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