Un petit morceau de papier caché dans le mur par l’être aimé avant de partir, une vie passée à le tirer de là et à tenter de lire ce qui s’y trouve écrit jusqu’à y parvenir et disparaître comme soumis à un miroir : le temps rattrape et forme une boucle. La temporalité est volontairement brouillée : on entend une attaque d’Indiens vers la fin du métrage pour auparavant avoir vu choir notre fantôme depuis un immeuble futuriste. Derrière son fatalisme exacerbé à grands coups de scènes étirées dans toute leur longueur pénible à l’instar de l’existence, A Ghost Story se livre à une réécriture du film d’épouvante en prenant le parti de son protagoniste aussi hanté par le souvenir et le regret que les familles qu’il terrifie : tantôt proleptique tantôt consécutif – il en va ainsi de cette famille espagnole où le père est absent, mort on peut le supposer en considérant les réactions de la mère – : le temps n’est plus linéaire, la perception du temps n’est plus humaine mais cosmique. Face à cela le réalisateur ne propose qu’une seule clef pour ouvrir la porte de l’existence sans sentir le sol s’effondrer sous nos pieds : l’esthétique. Nous sommes de minuscules poussières qui ne tarderons pas à disparaître, certes, mais nous disposons du pouvoir de rendre belle la mort drapée de blanc, d’en rendre bouleversantes les émotions suggérées par les postures puisque son visage demeure blafard. En somme, nous comprenons ou plutôt proposons des interprétations quant au fonctionnement d’un monde qui nous échappe et au seul moyen d’y remédier : la beauté. On ressent alors un sentiment analogue à la contemplation des danses macabres du Moyen Âge finissant, un sentiment où se mêlent l’horreur et la fascination pour une fatalité saisie et transcendée par l’art de sorte à la changer en compagnon de route, en modèle d’inspiration. Surtout, A Ghost Story déconcerte, nuit à une interprétation directe et facile de sorte à échapper sans cesse au spectateur. Et une œuvre aussi magnifique et déroutante est suffisamment rare dans le cinéma actuel pour être saluée.

Créée

le 26 déc. 2018

Critique lue 193 fois

3 j'aime

Critique lue 193 fois

3

D'autres avis sur A Ghost Story

A Ghost Story
Velvetman
7

Death Note

Après la vie, l’amour, vient le deuil. Avec l’incroyable A Ghost Story, David Lowery tente de chercher cette petite étincelle d’humanité qui survit après notre mort, à travers la tristesse de...

le 21 déc. 2017

134 j'aime

8

A Ghost Story
Behind_the_Mask
8

Ce qui reste

Un simple drap pour raconter une histoire de fantôme. Comme si nous étions revenus à l'âge de l'enfance. Mais une histoire comme aucune autre. C'est une histoire sur ce qui reste. Comme la lumière...

le 10 janv. 2018

133 j'aime

11

A Ghost Story
Alicia_87
9

Ghost in translation

Présenté en compétition du festival américain de Deauville 2017, « A Ghost story » est un film qui transcende. De portée universelle et cosmique, ce film offre une réflexion poétique sur la vie :...

le 6 sept. 2017

77 j'aime

10

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

86 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

77 j'aime

14