A dangerous method... de faire des films.

Où est passé David Cronenberg ? C'est la question que l'on se pose devant ce film curieusement classique et étriqué, un vrai film de bibliothèque, presque un livre d'images.

Pourtant sur le papier tout sonne juste : une belle histoire (vraie) de psychanalyse sulfureuse, et des acteurs au diapason. Mais l'origine théatrale du projet semble avoir plombé le film. C'est simple, à chaque fois que Cronenberg aurait pu faire quelque chose d'intéressant, il l'évite : exploiter le potentiel symbolique de son décor pour partir dans des délires psychotiques ? Non. On va juste filmer les personnages sur un pont, comme ça certains y verront le symbole et ce sera tout. Cinéaste du vivant, certes dans sa version malade, morbide et délétère, Cronenberg renonce ici à la réflexion passionnante qu'on aurait souhaité sur le corps et l'âme, sur la chair et l'esprit, et sur la contamination dans le corps de l'aliénation mentale. Exit aussi le fort potentiel érotique. Il a pourtant déjà filmé tout ça : des psys, des savants fous, des gynécos, des déviances sexuelles. On sent qu'on est en terrain connu mais on assiste, hagards, à une aseptisation de tout ce qui fait le sel de son cinéma.

Bien sûr, c'est bien filmé (en champs-contrechamps), les acteurs surjouent comme il se doit : Knightley est bien, mais elle est dans un surjeu de l'hystérie sans surprises. Mortensen cabotine joyeusement dans son coin et Fassbender est deadly serious. Des pantins, un simulacre de vie, un film qui sent bon la naphtaline et la démonstration scolaire. Dommage car Cassel est un second rôle sauvagement puissant, qui respire la vie et la folie, un certain appétit qui manque cruellement au reste du récit.

Film paradoxalement bien accueilli, célébré par les Cahiers et Positif qui y retrouvent, eux, le Cronenberg qu'ils aiment. Je me demande bien où et s'ils ont vu le même film que moi, car il aurait fallu être plus lucide et rendre justice à la médiocrité du film de son sujet survolé. D'un classicisme surprenant de la part d'un tel cinéaste, on aurait vraiment attendu, et espéré, des envolées baroques, des bouffées de folie, de grotesque, d'exploration de la psyché humaine. La tentative du cinéaste d'aborder ses thèmes fétiches d'une nouvelle manière est audacieuse, mais il se prend méchamment les pieds dans le tapis et on s'ennuie ferme.

Restent une partition sublime d'Howard Shore, une jolie photo glacée et une mise en scène clinique, trop clinique. Le canadien se ressaisira joliment avec son film suivant, le controversé Cosmopolis.
Krokodebil
5

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le 14 sept. 2013

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Krokodebil

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