À ceux qui nous ont offensés par Le Blog Du Cinéma

Premier long-métrage d’Adam Smith et premier scénario d’Alastair Siddons, À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS est le prototype du film à scénario qui multiplie les thématiques sociétales (religion, éducation, famille…). Prises dans des visions à la fois traditionnelles et modernes, elles ne sont qu’effleurées par les trajectoires linéaires des principaux protagonistes. Ce cinéma dit naturaliste est un cinéma de l’image qui parle par elle-même. Celle-ci doit pour ainsi dire se faire reconnaître ou s’identifier ; le spectateur n’ayant plus qu’à contempler la qualité imitative de la description de l’univers proposé par le réalisateur. Dans ce type de cinéma, ce sont les effets de réel qui sont cherchés à tous prix : il y a donc une sorte de concours vestimentaire (le jogging le plus réaliste) ou de crasse (Sean Harris remporte largement la mise en « idiot du village ») qui s’instaure pour que le spectateur puisse percevoir cette communauté de gitans de la manière la plus objective qui soit. Le but, cinématographiquement parlant, se réduit à créer un semblant d’atmosphère distillé ici par la présence anxiogène du patriarche (Brendan Gleeson).


C’est un film qui se voudrait “documentarisant” (reproduction des tics de langage par exemple) mais dont le seul souci est d’ordre thématique. Smith n’a pas le temps de porter une vision anthropologique, presque ethnologique sur cette communauté à la manière d’un Jean-Charles Hue (La BM du seigneur, Mange tes morts : Tu ne diras point). Les acteurs principaux, tous des professionnels, ne peuvent que « jouer » cette manière de vivre, de voir et de penser le monde. Dès que le cinéaste tente de traiter un moment de communion (la scène autour du feu de camp), les dérapages scénaristiques propre au drame familial se font trop sensibles (le patriarche tentant de contrôler son petit-fils comme il avait jadis pu le faire avec le sien) et l’ensemble finit par sonner faux.


Le film est alors presque obligé de jouer son va-tout sur l’iconographie du « hors-la-loi », sur cette figure marginale, car elle lui permet de retrouver un terrain plus propice à sa vocation thématique, plus codifié par le genre (le thriller et ses figures de courses-poursuites et de cambriolage). Mais c’est au détriment de la communauté, dont les scènes se résument à des sermons (comme à l’église) ou à des humiliations (Chad recouvrant de peinture « l’idiot du village »). Que dire du cercle intime de Chad (Michael Fassbender), sa femme et ses deux enfants, complètement écrasé par le duel qu’il se livre avec son père, Colby. Chacun tentant d’imposer ses désirs, traditionnels pour l’un, modernes pour l’autre.


À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS est entièrement assujetti à sa dramaturgie. Il n’y a pas une idée visuelle à se mettre sous les yeux. Et ce n’est pas son symbolisme bas de gamme qui relève le niveau spirituel du film : entre le bestiaire habituel (l’aigle pour la liberté, le chien pour l’enfermement) et une métaphore sur la subjectivité (l’arbre comme vision du monde), on est très loin de Karl Marx que cite Colby, comme un bon érudit qu’il n’est pourtant pas (surtout quand on sait ce que pense le philosophe de la religion).



« Le film n'a aucune vérité à livrer, aucune idée à partager et/ou à discuter »



La dernière séquence du film pourrait, éventuellement, se lire comme une ouverture poétique : poursuivi par la police et avec un chiot dans les bras, Chad livre une course improbable jusqu’à l’arbre (de la vie) où il ira se percher. Le film respire enfin, se pose. Il s’émancipe de la logique narrative. Cependant, le final retombe dans le consensus : les policiers s’apaisent étrangement, tout comme Colby. Et Chad, rejoint par son fils dans l’arbre, fait le saut dans le vide, enfin, dans un filet, symbole de sa capture. Les choses rentrent malheureusement dans l’ordre.


À CEUX QUI NOUS ONT OFFENSÉS n’est jamais un acte de pensée. Il n’a aucune vérité à livrer, aucune idée à partager et/ou discuter. Comme si la réalité qu’il nous décrivait n’avait plus de sens. Sans le moindre souci directif, Adam Smith expose son monde de manière académique et passive : c’est le statu quo qui prime, c’est-à-dire la satisfaction que le criminel aille en prison et que les préjugés (des policiers et des gitans) soient dénoncés. Quelle prise de risque ! C’est un film qui n’affirme rien, sans subjectivité esthétique ni politique. Mais à sa décharge, c’était seulement son premier…


Par Antoine, pour le Blog du Cinéma

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le 7 mars 2017

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