Une certaine idée de la comédie française

Parfois, lors des sorties ciné familiales, on n'est pas en situation de force, ni dans celle d'imposer le dernier mot. Car nos choix seront, à coup sûr, perçus comme trop élitistes, voire hautains. Trop bourrins aussi. Ou trop SF. Et le groupe hétéroclite se rabat alors sur le genre le plus supposément fédérateur. Même si celui-ci, on le sait, bat sérieusement de l'aile, ou est littéralement mort et enterré par sa pseudo vedette depuis ses exploits dans RAID Dingue. Mais il faut bien profiter une dernière fois de mémé, dont les deux précédentes séances ciné devaient être devant La Grande Vadrouille (au balcon) et Bienvenue Chez les Ch'tis. Et ça fera plaisir à pépé et à tata.


C'est dans cet état d'esprit que j'ai vu A Bras Ouverts : un peu (beaucoup) obligé et devant taire mon aversion rédhibitoire d'une bande annonce totalement aux fraises faisant la part belle à un Ary Abittan tout bonnement insupportable.


Si mes craintes étaient malheureusement fondées, A Bras Ouverts se présente de manière surprenante, néanmoins, plus comme un tract pseudo politique que comme une comédie.


De ce dernier point de vue, force est de constater que le nouveau film de Philippe De Chauveron est pour le moins raté. Dans les grandes largeurs, en plus. Intrigue sans consistance, gags rares et nullissimes, répliques navrantes, acteur principal en roue libre, hystérie finale, A Bras Ouverts collectionne littéralement les tares, la pire étant certainement la présence d'Ary Abittan dans un sommet sidérant de non comédie frôlant l'abstraction et le vide sidéral. Véritable repoussoir d'un film qui n'en avait pourtant pas besoin, son outrance fatigante, ses frasques navrantes et ses mimiques lamentables achèveront le spectateur, déjà trépané par un scénario qui ne cesse de faire du surplace et dont on grille dès les dix premières minutes l'ensemble des ressorts narratifs, déjà dix mille fois vus, et en mieux.


Philippe De Chauveron voulait certainement rééditer l'exploit surprise de son Qu'est ce qu'on a Fait au Bon Dieu. A Bras Ouverts en est malheureusement à mille lieux. Le premier était fondé sur un esprit de troupe, une connivence ma foi un peu sympathique, ainsi que sur un comique bien tiédasse qui réussissait malgré tout à arracher quelques sourires. Ce nouvel opus, tout comme RAID Dingue comparé à Bienvenue Chez les Ch'tis, a tout de l'accident industriel de grande ampleur, du film cloné pensé mollement pour rééditer un succès en forme de formule gagnante. Manque de bol, A Bras Ouverts, s'il en reprend le discours, un poil hypocrite ici, d'un vivrensemble qui a tout du forcé, n'en décline pas pour autant les autres ingrédients , sans grand goût, mais qui néanmoins, divertissaient. Au point de rayer les mots "comédie" et "rire" de son vocabulaire... A raison, puisqu'ils sont totalement absents.


Il ne restera donc à se mettre sous la dent, pour les plus opiniâtres, que quelques saillies politiques en forme d'un véritable dynamitage des idéaux d'une certaine gauche, celle qui dit mais qui ne fait pas. Celle qui a le coeur à gauche et le portefeuille (bien garni) dans la poche droite. A Bras Ouverts propose ainsi une caricature boudinée d'un BécHameL, prêt à penser light de la "philosophie" française, opposée à celle d'un Florian Philippot confondant de clichés. Ou encore une critique médiatique et de toute une frange de ce parisianisme et de cette jeunesse rive gauche, artistes, militants, pénétrés de toutes leurs petites leçons, de toutes leurs pensées formatées bien apprises, tout en chosifiant ce qui leur est exotique et inconnu.


Tout cela achevant ainsi de brouiller un discours assez populiste et sans nuances, un film qui se rêverait être une comédie populaire mais qui n'est finalement qu'un échec supplémentaire en forme d'immense gâchis. Au moins se sera-t-il hissé in extremis au dessus de RAID Dingue. Mais ce n'est pas un grand exploit, me direz-vous certainement.


Mais on évite la cuillère de bois de justesse, c'est déjà ça.


Behind_the_Mask, qui se jette sur une taupinière pour pouvoir manger ce soir.

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le 8 avr. 2017

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