Si vous n'aimez pas la mer... si vous n'aimez pas la montagne... si vous n'aimez pas ce film...

...allez en paix, mais vous êtes bizarres quand même.


Les gens qui ne peuvent pas encadrer Godard diront toujours de lui que c'est un poseur prétentieux, mais ici il n'y a rien de tel à mon sens. A bout de souffle c'est plein de petites choses... une certaine idée du mouvement, une fumée de cigarette qui s'envole, un air de swing nonchalant, et puis "a gun and a girl" bien sûr, selon la formule consacrée. Il y a une classe naturelle, du cool et de la malice plein la bobine, avec cette patte un peu bancale (jusqu'au montage pas prévu au départ qui taille les scènes à coups de serpe) qui semble facile à reproduire alors que tout ça tient justement sur un fil.


Au coeur de l'image, ce joli duo qui joue sa partition loin des archétypes. Le voyou n'est pas grave, ombrageux ou mutique, c'est un tchatcheur insouciant qui improvise sa vie comme si la France était une cours de récré géante. La fille n'est pas une femme fatale ou une amoureuse éplorée, c'est une petite souris mutine qui fait danser le chat à sa guise sans avoir l'air d'y toucher. Une partition écrite au jour le jour pendant le tournage, sur le vif, d'où ces dialogues qui alternent le naturel et le littéraire, qui ressemblent à du bavardage innocent avant de décocher quelque chose d'essentiel sans prévenir, pendant que la caméra capture et magnifie des gestes, des attitudes et des regards qui en disent tout autant.


J'ajouterais bien que cette histoire se révèle une ode à la liberté mais ça sonne assez pompeux tout ça, alors disons une ode qui ressemblerait beaucoup moins à un opéra lyrique qu'à un sifflotement désinvolte. Pour lui la vie sans crainte ni attache, Peter Pan des années 60 qui aurait bloqué son compteur à 18 ans, pour elle l'indépendance et le refus de tomber amoureuse. La liberté côté pile et côté face, dans les ailes qu'elle donne, mais aussi dans ce qu'on peut faire de moche pour l'obtenir.


On s'entend, j'essaie d'expliquer le charme du film mais dans le fond l'entreprise est un peu vaine. Ces choses sont par définition assez insaisissables, et c'est aussi bien comme ça.

VilCoyote
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le 26 oct. 2015

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VilCoyote

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