Je suis allé voir ce film parce qu’il m’avait fait trois belles promesses dont deux n’ont pas été tenues, voire carrément trahies.


1) Les affiches vendaient le film comme « le Taxi Driver du XXIème siècle », en citant un gars du Times, qui visiblement n’a pas beaucoup de respect pour Taxi Driver, ou alors qui méprise le XXIème siècle.
A la limite, ce n’est pas une promesse faite directement par le film, alors passons.


2) Plus grave, le film trahit la promesse qu’il formule dans le premier tiers du film : la promesse d’un film certes hanté par un personnage déréglé, dont la folie est manifeste, mais subtile. Pas d’hurlement, pas de gros plan en focale courte, pas de courte profondeur de champ à l’excès : une mise en scène sobre et le jeu de Joaquín Phoenix, déconnecté plus qu’éteint, suffisaient. Le film avait alors l’air de vouloir parler avec finesse et simplicité de la difficulté d’habiter le monde, espace violent et traumatisant.


Mais un très gros plan, sale et gratuit, sur Joe


qui s’arrache une dent


, et un lent travelling sur


le cadavre de sa mère


vient rompre cette promesse.
A partir de là, le film s’en donne à cœur joie : les hommes politiques sont


des monstres violeurs de fillettes


, les policiers sont


complices


, les fédéraux


tuent votre mère



J’aime les ruptures de ton au cinéma, et la démonstration « la vie = une pute » ne me dérange pas, si elle est finement conduite. Elle est ici tellement appuyée que le film semble traiter complaisamment toute la violence qu’elle montre.
Pire : le film est cynique, lorsqu’une musique guillerette accompagne des atrocités. Le monde va mal ? Chouette, faisons-en un film. Le titre de la version française, qui s’élucide à la fin du film, condense tout ce cynisme : « aujourd’hui, nous avons vécu les pires horreurs, c’est une bien belle journée ».


La démarche est cohérente : le spectateur assiste au voyage au bout de l’enfer du personnage, enfer auquel il ne peut pas s’échapper, malgré toutes ses demies-tentatives de suicide. Mais en y réfléchissant un tout petit peu, c’est une façon très inhumaine de traiter un personnage.


3) Cependant j’ai tout de même apprécié le film, grâce à Joaquín Phoenix. Son personnage n’est peut-être pas très bien construit, et il est surtout maltraité par le film, mais la force de son regard pourtant inexpressif est extraordinaire. Presque à égalité avec Bob de Niro dans Taxi Driver (presque).

TomCluzeau
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le 8 nov. 2017

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Tom Cluzeau

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