Soigner le mal par le mal (ou en tout cas essayer)

Avec 99 francs, il faut commencer par la fin et comprendre dès le début que tout cela n'est qu'une arnaque. Le film s'amuse à dénoncer la publicité tout en revêtant lui-même la forme d'une publicité. Il devient ainsi l'excès qu'il dénonce. Comment pousser jusqu'à son paroxysme ce principe, comment devenir ce qu'il y a de plus infecte dans la publicité ? La solution est simple : se donner bonne conscience !

Et là, bingo. Quoi, comment ça ? Auriez-vous oublié le message de fin ? Petit rappel pour vous aider : "Chaque année, le budget mondial dépensé en publicité s'élève à 500 milliards de dollars. Une étude de l'ONU estime que pour réduire de moitié la faim dans le monde 10 % de cette somme suffirait.".

Alors à quoi est-ce que tout cela rime ? Est-ce que le réalisateur a voulu dégoûter le spectateur en poussant ainsi le principe du film qui exemplifie, qui incarne ce qu'il dénonce jusqu'à son paroxysme ? Est-ce qu'en réunissant dans 99 francs tout ce qu'il y a de pire dans la publicité, Jan Kounen a voulu botter, pour ainsi dire, le cul du spectateur ?

Difficile de répondre à cette question ! D'autant plus que le coté écœurant du film ne s'arrête pas là. Pire encore que de voir cet infâme message de pub s'afficher à la fin du film, il y a le personnage incarné par Jean Dujardin, qui résume à lui seul tout ce que l'intellectualisme frenchouillard a de pire : l'espèce de conscience qu'il prétend avoir de sa propre misère, de sa propre pauvreté et du point auquel il est, en somme, ridicule.

Notre très cher Octave passe ainsi le plus clair de son temps à faire n'importe quoi, à en avoir conscience et à le dire. C'est son cynisme, et à travers son cynisme, c'est le film tout entier qui se regarde lui-même comme objet publicitaire infâme.

Là où le bât blesse, c'est que l'on ne sait jamais vraiment si Jan Kounen (le réalisateur) est bête ou non. A-t-il naïvement voulu dénoncer la publicité au travers de ce message de fin ridicule, ou a-t-il vraiment voulu exemplifier ce qu'il y a de pire dans la publicité (cette espèce de manière de se donner bonne conscience ? ce cynisme qui se croit intelligent ?) ? Est-il lui-même l'exemple naïf de ce qu'il dénonce, a-t-il réussi à se faire prendre à son propre piège, ou au contraire est-il un fin stratège qui a réussi, en somme, à "boucler la boucle" de l'imbécilité publicitaire ?

A défaut de pouvoir apporter une réponse à ces questions aussi, on peut savourer l'ironie de la situation : s'il est vraiment devenu l'imbécile qu'il dépeint à grand traits avec le personnage d'Octave (ce dont, personnellement, je ne doute pas un seul instant), alors Jan Kounen a bel et bien réussi son pari en poussant, malgré lui certes, le principe du "j'exemplifie ce que je dénonce, pour mieux le dénoncer" jusqu'à son paroxysme.

Et à défaut d'apprécier, de se délecter, de savourer et d'adorer l'ironie de la situation (qu'un film soit bon par et pour l'imbécilité de son auteur, c'est quand même rare !), on peut toujours se contenter d'apprécier ce film pour ce qu'il est : un objet bizarre et déjanté qui offre, pour peu que l'on arrive à passer outre ce côté "bobo-intello" parfaitement assumé, de bons moments.
EcceLex
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le 25 juil. 2010

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