"588, rue Paradis" n'est clairement pas à la hauteur de "Mayrig", son prédécesseur dans le diptyque autobiographique d'Henri Verneuil.
Dès lors que ce dernier ne peut plus s'appuyer sur le génocide arménien pour donner de l'épaisseur à ses souvenirs d'enfance, on se rend compte d'autant plus nettement de ses faiblesses de conteur.
Les séquences plus ou moins anecdotiques s'enchaînent alors, sans grande passion ni véritable liant entre elles.


Surtout, l'écriture apparaît très convenue, à tel point qu'on devine aisément les développements futurs de chaque situation, ainsi que l'évolution de chacun des personnages, souvent manichéens.
On peut citer par exemple la famille Pagès, mère (Danièle Lebrun) et fils (Jacques Villeret) confondus dans une même absence de savoir-vivre. Ou encore la méchante cliente de Mayrig (Claudia Cardinale), qui tente de marchander honteusement le jour-même de l'enterrement de son mari.


Parallèlement, le film diffuse la sensation désagréable que le héros Pierre Zakar (un avatar de Verneuil lui-même, joué par Richard Berry) se pose systématiquement en victime.
Lorsqu'il lui arrive de mal agir, c'est forcément de la faute des autres.


Typiquement, le personnage de l'épouse grande bourgeoise (Diane Bellego) n'est là que pour endosser la responsabilité des erreurs de son mari : le changement de nom pour gommer l'identité arménienne, le fait de recevoir son vieux père (Omar Sharif) à l'hôtel plutôt que dans la chaleur de leur foyer, l'ultime engueulade avant son décès... Tout est l'œuvre de madame, alors que notre pauvre héros, lui, se serait comporté avec autrement de classe, bien sûr… si seulement il avait eu des couilles!


Bon, je parais sévère, mais "588, rue Paradis" reste largement regardable, ne serait-ce que pour le plaisir de retrouver les personnages du premier volet, une quarantaine d'années plus tard - même si Verneuil choisit de situer son récit à notre époque (plutôt que dans les années 60, si la temporalité avait été respectée).
On assiste donc à une œuvre semi-autobiographique assez anecdotique, dont l'échec en salles marqua la fin de carrière définitive d'Achod Malakian alias Henri Verneuil, l'un des plus grands artisans du cinéma populaire français.

Créée

le 12 juin 2019

Critique lue 638 fois

3 j'aime

2 commentaires

Val_Cancun

Écrit par

Critique lue 638 fois

3
2

D'autres avis sur 588, rue Paradis

588, rue Paradis
Val_Cancun
5

Le clan des arméniens

"588, rue Paradis" n'est clairement pas à la hauteur de "Mayrig", son prédécesseur dans le diptyque autobiographique d'Henri Verneuil. Dès lors que ce dernier ne peut plus s'appuyer sur le génocide...

le 12 juin 2019

3 j'aime

2

588, rue Paradis
Boubakar
6

Se retourner, vivre les souvenirs...

Deuxième (et dernière) partie du diptyque autobiographique d'Henri Verneuil, nous avons fait ici un bond de quarante ans plus tard, avec Azad Zakarian qui est devenu un dramaturge renommé plus connu...

le 2 déc. 2018

2 j'aime

2

Du même critique

Baby Driver
Val_Cancun
4

L'impossible Monsieur Baby

Cette fois, plus de doute, le cinéma d'Edgar Wright, quelles que soient ses qualités objectives, n'est définitivement pas pour moi. D'ailleurs je le pressentais déjà fortement (seul "Hot Fuzz"...

le 20 juil. 2017

60 j'aime

15

Faites entrer l'accusé
Val_Cancun
9

Le nouveau détective

Le magazine haut de gamme des faits divers français, qui contrairement aux (nombreux) ersatz sur la TNT, propose toujours des enquêtes sérieuses, très documentées, sachant intriguer sans tomber dans...

le 2 avr. 2015

49 j'aime

11

Bullet Train
Val_Cancun
4

Compartiment tueurs

C'est le genre de film qui me file un méchant coup de vieux : c'est bruyant, bavard, ça se veut drôle et décalé mais perso ça m'a laissé complètement froid, tant les personnages apparaissent...

le 4 août 2022

46 j'aime

17