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L'apogée du film érotique pour grand-mère

Franchement il suffit de voir l'agitation autour de ce film sur internet pour savoir qu'on a ici un grand film. Les sites de "cinéma" ne tarissent pas d'informations capitales sur le film afin d'engendrer du clic, des infos comme : « les scènes de sexe sont-elles simulées ? car quand même ça a l'air tellement vrai... », alors que le film est d'une pudibonderie hallucinante. On sent là tout le potentiel du film, il y a tout pour passer un excellent moment.


Parce que oui nous sommes face à l'un des nouveaux chefs d’œuvre de notre temps. Difficile de ne pas se rendre compte ici de la pureté du style. Beaucoup on comparé ce film à un 50 nuances de Grey, mais comme le cinéma de Michael Mann est l'aboutissement du polar américain, déconstruisant et prolongeant le genre à la fois. Ici ce que fait 365 jours, c'est l'aboutissement du genre du film érotique pour grand-mère.


Les réalisateurs ont ôté toutes les intrigues pour ne garder que le vide, c'est-à-dire la substantifique moelle de ce cinéma là. Et donc forcément voir deux heures de vide absolu est une expérience métaphysique pour le spectateur que les clips musicaux éternels de ces espaces infinis effraie. Parce que le film c'est un clip musical toutes les 3 minutes. Vous pouvez vérifier, aucune exagération. Ce film n'est qu'une longue et vaine illustration du rien, illustration agrémentée d'une "musique" (notez bien que j'ai mis des guillemets) afin de rendre le questionnement introspectif encore plus puissant qui assiste à la fois au vide cinématographique, au vide scénaristique et au vide musical, le vide³. Du jamais vu.


Parce qu'il faut bien les combler les deux heures de vide histoire de ne pas vendre à Netflix un simple écran noir (n'est pas Guy Debord qui veut et leur public n'est peut-être pas encore prêt pour Hurlements en faveur du Marquis de Sade, film lettriste se terminant par quasiment 30 minutes d'écran noir, sans aucun son), les premiers tétons n'apparaissent qu'après environ 40 minutes de film. C'est tellement long que j'ai eu l'impression de revivre mon adolescence lorsque j'attendais mon dépucelage.


Pire, j'ai même cru que nous étions face à une sorte d'After bis, le 50 nuances de Grey pour adolescentes, et qui n'avait pas le moindre centimètre carré de chair à montrer.


Mais il n'en est rien, on voit bien des fesses, une paire de seins, mais il faut les mériter. C'est un film qui apprend l'effort, la patience. D'ailleurs la construction de l'histoire du film (et je suppose du roman) est ainsi en parfaite adéquation avec ce que doit vivre le héros du film, ce gangster au grand cœur, qui viole et kidnappe des filles, mais qui leur rend toujours le sourire après coup (véridique), un vrai gentilhomme. Parce que lui doit attendre, il a promis à sa dulcinée (bon il avait la main sur son sein en disant ça) qu'il ne la toucherait pas sans sa permission. Et nous spectateur, nous sommes placés dans le même état de manque que ce noble chevalier servant de la cause féminine !


On vit l'expérience de ce que c'est qu'être un tel chevalier, nul doute qu'Iris Brey ou Laura Mulvay parleraient ici de « chevalier servant de la cause féminine gaze » tant ce film semble inspiré par leurs travaux esthétiques sur le cinéma. En effet le film montre le désir féminin, on se croirait devant Madame a des envies d'Alice Guy, cette femme qui, enceinte, ne peut s'empêcher de mettre des objets phalliques en bouche... sauf que là, transgressant tous les interdits moraux, Laura, notre héroïne, met directement le phallus en bouche et le film fait ça sans aucun voyeurisme, puisqu'on ne voit rien.


La mise en scène a été ô combien pensée pour ne pas placer le spectateur en voyeur et ne pas commettre ainsi l'odieuse merguez (aussi appelée par les profanes le Male Gaze).


D'ailleurs la mise en scène tire parfaitement parti du format du film (sans doute proche du format cinémascope) pour mettre en valeur les bâillement de l'actrice, la bouche grande ouverte, devant le phallus malheureusement caché et objet de toutes les convoitises. Ainsi en plus de filmer du vide à cause de l'histoire, les réalisateurs filment littéralement le vide puisque le format est beaucoup plus étiré qu'il ne le faudrait, sans doute pour suggérer la longueur du membre invisible. Mais bon, de toutes façons il n'y a rien à filmer...
Ce ne peut qu'être l'apologie du vide entre les personnages... et vu que les personnages sont eux-mêmes la personnification du néant, tout devient vide.


Voilà une mise en scène pensée ! Découpage, mise en scène, on touche au sublime.


Une leçon d'humilité, et une leçon dont nous espérons tous voir la suite afin de revivre cette expérience. Car le semblant d'histoire entre deux clips musicaux aurait pu se finir à la fin du premier film, mais il a fallu un rebondissement de dernière minute, aussi inutile que les clips musicaux eux-mêmes, afin que l'expérience puisse se prolonger du vide dans une suite.


Avec un peu de chance, le vide continuera à nous accompagner de nombreuses années durant, car le concept du vide est déclinable à l'infini, tu filmes deux bouts de tétons, tu mets une musique kitch par-dessus et tu as un chef d’œuvre de 2h.
La recette est à présent connue, mais qui osera continuer sur cette voie ? Qui osera arpenter le sentier ?


Il faut que les réalisateurs visionnaires puissent faire la suite, seuls eux en auront le courage. Il a fallu près de 125 ans de cinéma pour en arriver là, il ne faut pas retourner en arrière ! Je veux continuer à sentir que lorsque je regarde l'abîme, l'abîme me regarde aussi ! Sensation grisante et véritable accomplissement artistique et au diable à ceux qui sont incapables d'apprécier cette expression d'artistes contemporains dans leur forme la plus pure.

Moizi
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le 14 juin 2020

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