Si vous souhaitez lire un long avis argumenté, passez votre chemin. Je veux simplement dire ce qui fait selon moi de 2001 un film unique dans l'Histoire du Cinéma. Et ce bien que je lui préfère l'équilibre d'émotion et de cynisme d'un Barry Lyndon et son sujet plus... terre à terre. Le cinéma regorge de nombreux grands films visually driven, de ceux où la narration est d'abord conduite par la mise en scène et non le scénario. Me viennent par exemple à l'esprit Chungking Express, The Blade et Mullholland Drive. Mais si je prends tous ces films, en particulier le Lynch que ses défenseurs comparent souvent à 2001, aucun n'a réussi à faire fonctionner une narration purement visuelle auprès d'un public aussi massif. Et là où certains critiques/cinéphiles confondant critique de cinéma et mauvais cours de lettres dégainent souvent l'opposition entre le fond et la forme concernant des films d'abord axés sur la mise en scène 2001 n'a jamais suscité ce genre de débats idéologiques. Comme le Wong Kar-wai mentionné plus haut, 2001 est de ces films avec finalement peu d'action mais où il se passe plus de choses qu'il n'y paraît. Qu'un si gros succès puisse être comparé avec un fleuron du cinéma d'auteur des années 1990 en dit long. Contrairement à Nolan un mauvais jour, Kubrick n'a pas eu besoin de la béquille des longs dialogues risquant de plomber le rythme du film pour que ses concepts ne perdent pas en route le grand public. Lorsqu'ils n'étaient que critiques, les futurs cinéastes de la Nouvelle Vague avaient érigé Hitchcock en exemple d'un cinéaste à la fois ultrapopulaire et artistiquement radical. Ce qui s'applique parfaitement à 2001. Sauf que 2001 n'a même pas eu besoin, contrairement aux chefs d'oeuvre hitchcockiens, du glamour des stars de l'âge d'or hollywoodien pour faire partager une expérience de cinéma hors des sentiers battus. Il est du coup compréhensible que Kubrick ait pu négocier suite au succès du film un contrat lui garantissant la liberté artistique jusqu'à la fin de ses jours.