On le dit immersif, il étouffant. Tellement d'ailleurs que pour une fois, la 3D aurait été plus qu'un gadget, changeant le stress du spectateur en peur primale. Le film de Sam Mendes est un long et difficile road movie, boueux, violent et épuisant. Basé sur un scénario simplissime, le transport d'un message, à pieds, en pleine zone de guerre; il ne cherche pas spécialement à raconter, mais à faire ressentir, à mettre dans un état second.


Il y a le tour de force technique, l'alignement de plans séquences (quatre au total, sauf erreur) dont on cherche à savoir comment ils ont bien pu être tournés. On imagine un tournage infernal, des conditions dantesques, des scènes rejouées longuement, répétées sans cesse. C'est un travail titanesque, qui se rapproche du théâtre, (comme une pièce en quatre actes), avec des contraintes supplémentaires en terme de décors, d'accessoires et de déplacements. Ce n'est pas une certitude, mais les drônes ont dû avoir la part belle, ce qui réserve certains plans d'une beauté étourdissante. Le village en ruine, la nuit sous les fusées éclairantes, en est le meilleur exemple.


Il y a quelques guests au casting, presque des faire-valoir tels Colin Firth ou Benedict Cumberbatch. Le reste du temps, tout repose sur les épaules de Dean-Charles Chapman et surtout (et c'est tant mieux), de George MacKay...il est investi, habité par son personnage: un soldat du rang, arrivé là un peu par hasard et dont le sort de 1 600 soldats dépend. On ressent au plus près la peur, la fatigue, la lassitude, surtout la détermination de cet anonyme. Et comme lui on a peur, on est fatigué, las et déterminé à l'accompagner dans sa mission.


Sam Mendes signe un grand film de guerre, pas vraiment un film sur la guerre. Pas de grande bataille, d'armadas, de grandes manoeuvres décisives. Simplement deux soldats du rang, deux héros très discrets, deux rouages exécutant les ordres, mais qui comptent autant qu'une grande armée de libération. Un film marquant, épuisant, qui ne ménage rien ni personne, laissant pour longtemps à la bouche, l'arrière-goût boueux de la guerre.

Jambalaya
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le 15 janv. 2020

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