Inutile de gloser à l'infini sur les prouesses techniques de 1917, elles sont réelles, particulièrement impressionnantes dans les tranchées et sur le champ de bataille. Mais la satisfaction pour le spectateur, à moins de ne s'intéresser qu'à la virtuosité de la mise en scène, est bien évidemment à chercher ailleurs et principalement dans ce que Mendes a entrepris de nous raconter à propos de la Grande Guerre, avec les yeux de deux conscrits britanniques à peine sortis de l'adolescence, comme l'étaient la plupart des protagonistes de ce premier conflit mondial. Au fil du récit de 1917, il y a beaucoup de figures imposées qui ne témoignent pas d'une originalité folle (la mort d'un camarade, la rencontre d'une "autochtone", le duel avec un ennemi ...) et ressemblent presque à un "best of" des scènes à faire. C'est donc un scénario assez classique, avec un bon suspense pour donner un sens à la mission de départ : tout est compréhensible et bien balisé. Cela fonctionne tout de même parce que Mendes donne une vision réaliste et moderne, a posteriori puisque plus d'un siècle après, qui complète assez bien la filmographie abondante liée à la première guerre mondiale. Ce n'est pas la même intensité que dans Les croix de bois de Raymond Bernard (1932), mais l'idée reste la même : décrire la folie humaine dans toute sa "splendeur" et le sacrifice de toute une génération. 1917 montre peu la vie dans les tranchées et le quotidien des poilus mais entend raconter une expérience individuelle et symbolique, traversée par une palette très large de sentiments. Certains diront le film n'a pas de point de vue et ce n'est pas tout à fait vrai puisqu'il est en l'occurrence celui de simples soldats qui doivent assurer leur survie et obéir sans rechigner aux ordres avant de penser à la compétence de leurs chefs où de l'absurdité de la guerre. 1917 a été une année marquée par des mutineries mais ce n'est pas l'objet du film auquel il ne faut pas demander d'être le long-métrage définitif sur un sujet qui comme la guerre mondiale suivante n'en finira pas de sitôt d'alimenter les scénarios. Tel quel, sans prétendre au chef d’œuvre, 1917 a suffisamment à offrir en matière de bon cinéma pour ne pas se montrer déçu, en dépit d'une attente amplifiée artificiellement par les puissances du marketing roi qui tente de nous faire croire presque chaque semaine que le film du siècle va sortir.

Cinephile-doux
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le 15 janv. 2020

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