Nourri des témoignages de son grand-père vétéran de la Première Guerre Mondiale, Sam Mendes cherche avec 1917 à créer le film de guerre ultime.


Pour ce faire, c'est dans l'immersion qu'il concentre tous ses efforts, condenser les moments quotidiens les plus marquants de ce conflit en un seul plan-séquence ne lâchant jamais le point de vue de ses soldats. De ce choix, dont la rigueur et le jusqu’au-boutisme lui font dépasser de loin le stade de simple exercice technique, va naître 2 heures de suspense dans lequel le point de vue des deux personnages principaux devient celui du spectateur, forcé d'être témoin des atrocités de la Grande Guerre (comme les étincelles de moments chaleureux qui parviennent à s'en extraire).
Une idée brillante de centrer ce témoignage sur un message à délivrer dans les plus brefs délais, les messagers devant traverser les lignes et observer l'environnement le plus rapidement possible, un enjeu fort se mêle à leur fascination d'observateurs des endroits les plus connus et inconnus du conflit (tranchées, no man's land, tunnels, habitats abandonnés, etc...). Afin de pouvoir retranscrire au maximum l'ambiance de cette guerre, Mendes épure son film de tout superflu. Ses soldats ne sont que deux amis de régiment dont les dialogues ne concernent que leur mission ou leur vie quotidienne, leurs mésaventures sont le fruit de ce qui a fait souffrir les combattants un siècle plus tôt. La mission à la fois cruciale et anodine les transforme complètement avant de s'achever d'une façon aussi signifiante pour leur condition qu'elle ne met en évidence le fait que ce Vendredi 6 Avril n'a été qu'une malheureuse journée comme une autre.
Aussi réaliste 1917 puisse être, il n'en demeure pas moins un film où le rythme est maîtrisé de bout en bout. Il alterne les segments les plus décourageants et les pauses de façon fluide, le plan-séquence devient une contrainte facilement surmontable grâce à la musique suivant la brise du moment tout en soulignant et le contexte dans lequel une menace peut provenir à tout instant mettre un terme à la course fragile des protagonistes.


A l'heure actuelle. 1917 fait sensation et nul doute qu'il fera date et restera l'un des films les plus plébiscités du genre d'ici plusieurs années pour avoir été, non-seulement une grande oeuvre faisant vivre nombre de sensations à ses spectateurs mais aussi un des films retranscrivant le mieux l'atmosphère pesante de ces quatre années d'enfer vécus en une journée de deux heures.


Et sera très probablement aussi diffusé dans les salles de classe en cours d'histoire.

Housecoat
9
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le 22 janv. 2020

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Housecoat

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