1900
7.6
1900

Film de Bernardo Bertolucci (1976)

Cette œuvre, d’après moi la plus réussie du talentueux et reconnu Bernardo Bertolucci, est avant tout une épopée de grande envergure se déroulant sur plus de 5 heures et qui retrace le parcours de deux enfants au début du 20ème siècle en Italie du nord entre fascisme et socialisme au sein d’une grande exploitation terrienne dans la région d’Emilie Romagne – qui est soit dit en passant la région natale de l’auteur. L’un Alfredo Berlinghieri est le fils des propriétaires agricoles tandis que l’autre Olmo Dalco appartient au milieu des employés du domaine. Les deux protagonistes seront interprétés dès leur âge adulte respectivement par Robert De Niro déjà transpirant de talent et par notre anciennement jeune et fougueux Gérard Depardieu national.
On découvre dans ce film une multitude de thèmes abordés dont certains autours desquels je propose d’articuler ma rapide critique.


La métaphore saisonnière :


En effet le réalisateur donne un sens temporel et climatique à la fresque en symbolisant chaque saison par une évolution chronologique sociale et sociétale de l’histoire qu’il décrit. Je vous encourage à lire, à ce propos, la critique très pertinente de http://www.senscritique.com/Pierre-Yves_Ann/critiques à cette adresse : http://www.senscritique.com/film/1900/critique/23717113. Cela m’a d’ailleurs inspiré le titre de cette critique et je l’en remercie.


La violence et la sexualité désinhibées :


Est-ce cette époque du cinéma ou cet auteur en particulier ? Peut-être un peu des deux. Après sa scène très sulfureuse du beurre dans «Le Dernier Tango à Paris » on assiste ici à de nombreuses scènes qui seraient certainement interdites à notre époque. Une double masturbation non censurée qui nous permet par ailleurs d’apercevoir deux monstres du cinéma dans leur plus simple appareil. Un rapport presque incestueux entre un vieil homme et une enfant. Certaines scènes - sous entendues cette fois - iront jusqu’au viol et au meurtre d’un jeune enfant. Mais on le sait, ce n’est pas ce qui fait peur au réalisateur. On est d’ailleurs porté par cet espoir populaire et révolté jusqu’au sang par la violence des fascistes notamment et brillamment incarnés par Donald Sutherland et Laura Betti. Un couple frustré et lugubre qui terrorise allègrement les opposants au régime. On aurait presque envie de militer et de rejoindre la vindicte populaire.


Le militantisme politique de l’auteur :


Car en effet, si on peut tous s’entendre sur le thème principal à comprendre dans cette œuvre, c’est bien le parti pris et assumé de Bertolucci qui nous fait observer l’injustice d’un peuple exploité par des propriétaires sans scrupules, sans honneur et sans courage. On constate que la mort du grand père – Burt Lancaster - au début du film – scène ô combien importante dans la genèse de l’œuvre – symbolise la mort du patriarche entrepreneur et proche de ses employés, la fin d’un monde et la naissance d’un nouveau où les parvenus nés avec une cuillère en or dans la bouche prennent le relai du pouvoir sans connaître la valeur du travail. C’est aussi l’aube du fascisme et de son courant contradictoire, le socialisme. Par la suite les héros forts sont incarnés par les pauvres quand les faibles, les peureux et les fourbes sont incarnés par les riches. Ainsi le jeune et insouciant Alfredo – un moment porté vers le socialisme dans une velléité bourgeoise d’aventure - devient avec le temps la caricature de son père quand Olmo se transforme en super-héros du peuple, sérieux et constant dans son combat.


Le pauvre et le prince :


Ce qui nous amène au dernier point de fond que j’aimerai aborder dans cette critique. Il s’agit dans ce film de l’incompatibilité de la rencontre réelle entre le pauvre et le prince. Car si dans la célèbre et symbolique œuvre de Mark Twain de nombreuses similitudes peuvent être observées avec 1900 - notamment ces enfants qui jouent ensemble et finalement rêvent d’échanger leurs rôles – les critères sociaux sont, ici, balancés sans équivoque par Bertolucci. Les jeunes qui jouent à se dominer au bord de l’étang en attrapant des grenouilles ou en se tirant sur la tige, malgré une amitié forte presque fraternelle, finissent par se séparer et restent conditionnés par leur milieu social. Le constat très durement réaliste de l’auteur semble être que rien ne peut changer sans violence, sans affrontement et bref sans révolution. Un aspect philosophique supplémentaire qui ajoute au génie du réalisateur.


En conclusion :


Il faut dire pour conclure que tout fonctionne à merveille si on comprend que la démarche n’est pas neutre et loin de là. Il s’agit d’une épopée orientée et partiale qui n’hésite pas à faire preuve de manichéisme pour faire passer son message. On ne sent pas passer les 5h30 du film que certains redouteront à tort (car il y a en réalité deux parties qui peuvent être regardées séparément). Au-delà d’un casting de feu et un scénario dont la profondeur philosophique et sociale n’est plus à démontrer, l’œuvre est portée par une photographie, un style cinématographique et une ambiance magnifiques. Sans oublier une bande son signée par le grand Ennio Morricone lui-même dont les différents thèmes resteront gravés à jamais dans vos esprits.


Sans aucun doute une des meilleurs fresques historiques du 20ème siècle que je ne peux que vous recommander avec force.

LeNatif
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le 10 août 2016

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