Bon… Mouaif… Euh… « Encore ? » j’ai envie de dire…
Encore un film qui n’existe que pour mettre en images le grand idéal moral défendu aujourd’hui par la haute société ?
Encore un film fainéant qui cite et récite plus qu’il n’invente ou qu’il n’incarne ?
Encore un film qui se fond totalement dans le moule des Kechiche / Dolan / Dardenne qu’on connait tous par cœur ?…


Moi, j’avoue, ce cinéma là, il me désole !
Et je m’excuse par avance si de tels propos pourront en choquer quelques-uns. Mon propos ne consiste pas à remettre en cause l’importance de la lutte contre le SIDA, tout comme il n’invite pas à minimiser l’importance de mouvements associatifs et militants comme Act-Up.
Non, moi je questionne juste la finalité du produit qu’on a là.
Parce que bon, si le but de ce film était vraiment de faire du militantisme, pourquoi avoir choisi une forme qui l’assure à l’avance de n’être vu que par un petit sérail déjà convaincu à l’avance ?! Ce film collectionne tous les clichés du cinéma bobo-parisien, avec tout ce que cela comporte de pire cinématographiquement parlant !


Images crades. Dialogues verbeux et sans imagination qui se contentent juste de recracher soit des pages Wikipedia sur le mouvement Act-Up, soit un listing de ce que c’est d’avoir le SIDA et de comment on l’attrape ! Scènes de sexe interminables qu’on pose là juste pour dire « wouh qu’est-ce que c’est transgressif ! » (…sauf qu’en fait – attention spoilers ! –


bah non.)


Construction narrative plate au possible tant elle est répétitive : scène de discussion – mise en place de l’action – moment détente en boîte – scène de discussion – mise en place de l’action – moment de détente en boîte – etc…


Mais franchement non les gars !
Un tel niveau de cynisme artistique une fois de plus récompensé par Cannes !
Non mais oh !
Il va leur falloir combien de temps pour qu’ils se rendent compte que c’est mort ! Qu’on les a grillés ! Qu'on aimerait bien que lors de ces fêtes censées être dédiées au cinéma on puisse enfin reparler un petit peu de technique, d'audace, d'expériences sensitives et non devoir se manger à chaque fois une bonne grosse leçon de moralité !


Alors le pire, c'est qu'en le prenant à lui seul ce « 120 BPM », on peut clairement lui trouver des qualités.
Oui, les acteurs sont investis.
Oui, on essaye de nous transmettre quelque-chose de fort.
Tout ça je ne le renie pas.


Mais un film ne se prend jamais seul.
Un film est une pièce supplémentaire qui dialogue avec tout ce qui s'est fait avant et en même temps que lui. Ses codes ne fonctionnent que grâce à ce dialogue et au travers de ce dialogue là... Or, moi, quand je vois ce « 120 BPM » débarquer après tous les autres soit-disant chefs d’œuvre estampés « cause militante bon-chic-bon-genre », eh bah je fais juste mon overdose !


J'en ai ma claque de ces personnages qui ne sont que des déclinaisons de discours ou de posture. Le seul personnage de Sean en est à lui seul une bien triste illustration ! OK, Nahuel Perez Biscayat donne tout ce qu'il a pour donner de l'épaisseur à son personnage, mais si on le prend du début jusqu'à la fin, il ne fait que dérouler du discours et rien d'autre ! Il dit pourquoi il a agit ainsi, ensuite il dit ce qu'il ressent, ce qu'il prend comme médocs, pourquoi et comment il a contracté la maladie, qui il juge responsable... STOP !
Mais ça - et c'est horrible à dire - mais c'est de l'écriture de débutant !
Même dans les options cinéma de collège et de lycée dans lesquelles j'ai bossé on interdit ça !
D'ailleurs c'est marrant, ils sont bien rares les élèves qui veulent se risquer là-dedans...
Pourquoi ?
Bah tout simplement parce que c'est plat !
Parce que ce n'est pas créatif !
Parce que ce n'est pas jouissif à faire et ce n'est pas jouissif à regarder !


Alors après, s'il y en a qui s'y retrouvent, encore une fois « Tant mieux pour eux ! » Moi, je n'aime pas ce cinéma-sujet là ! Non, je n'aime pas quand on cherche à faire plus crade sous prétexte que c'est plus proche du réel. Non, singer les codes du documentaire fauché ça ne fait pas plus réel, ça fait juste plus documentaire fauché... C'est tout !


Au bout d'un moment, il faudrait peut-être se demander ce qu'on cherche dans le cinéma. Certains viennent y chercher de la sensibilisation comme c'est visiblement le cas des adorateurs de ce « 120 BPM » (grand bien leur fasse), moi je viens y chercher du sens. Je viens y chercher de la sensation. Pour moi le cinéma n'est pas le lieu de la sensibilisation. Et s'il doit le devenir, alors ça ne doit pas se faire au détriment du sens et de l'expérience sensorielle. Sinon, si on gratte sur les arts cette possibilité, où retrouvera-t-on ça ?


Alors après, OK, à chacun son cinéma (et moi ça me va cette posture là), mais pendant que d'un côté on remplit les salles de blockbusters US et que de l'autre on décide de saturer ce qu'il reste avec ces produits cannois là, à la fin il ne reste plus grand-chose pour toutes ces petites pépites que moi j'adore et qui ne trouvent pas de distributeur.


Alors oui, je mets une seule petite étoile et j'assume.
Après tout, je le fais bien pour tous ces blockbusters US décérébrés qui ne font pas l'effort de requestionner leurs codes, alors je ne vois pas pourquoi je me priverais de le faire pour tous ces produits moralisants qui se plaisent à faire autant de pieds de nez aux arts de filmer.
Parce qu'après tout, un film ne se prend jamais seul.
Un film, ça se prend dans un contexte.
Et là, clairement, l'effet d'accumulation m’écœure ! La mécanique cinématographique qui explique et nourrit à la fois ce genre de film m’écœure !


Donc pitié !
Redonnons un petit de sens aux choses !
Réapprenons à explorer les multiples possibilités qu'offre cet art !
Et incitons ces auteurs à renouer avec ce qui fait la vraie beauté du cinéma...

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le 16 sept. 2017

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