Nous sommes des rescapés.
C'est le message aussi lucide que terrible que véhicule le film ”120 battements par minute", Grand Prix du Festival de Cannes cette année.
Dans les années 90, le SIDA tue depuis près de dix ans dans une insupportable indifférence. Le gouvernement de François Mitterrand comme les médias ne se soucient alors que très peu de cette maladie qui décime les minorités : les pédés, les gouines, les putes, les toxicos, les prisonniers.
C'est à une bande de jeunes trublions réunis en association militante, Act Up-Paris, que l'on doit un formidable coup de pied dans la fourmilière. Le film s'attache à rendre compte des luttes de l'époque, de la difficile opposition aux pouvoir publics dans la rue, des campagnes de prévention frileuses afin de ne pas choquer ceux qui, à l'époque, peuvent encore croire que le SIDA ne les concernera pas. La maladie est là, elle tue sans pitié ces jeunes qui se battent, au fond, pour une survie à laquelle tous ne croient déjà plus. Dans cette lutte acharnée pour faire parler de la maladie, faite d'actions coups de poings et de négociations tendues avec les laboratoires pharmaceutiques, il faut rendre à Act-Up et à ses militants l'hommage poignant que le film représente.
Au cœur de cette histoire qui nous rappelle que nos acquis d'aujourd'hui sont les luttes d'hier, et que les droits de demain sont les combats d'aujourd'hui, se niche une belle et tendre histoire d'amour entre Sean et Nathan, un duo vibrant à la fureur de vivre éclatante, qui nous laisse sans voix, les yeux humides et la gorge serrée lorsque, dans un assourdissant silence, défile le générique de fin.