En 2008, Bad Robot, la société de production de J.J. Abrams, sortait Cloverfield dans les salles après une campagne promo orientée autour du mystère et du secret. On savait qu’un film de monstres allait nous être dévoilé et à l’époque les rumeurs allaient bon train évoquant Godzilla ou Chtulu en tête d’affiche. Il n’en fut finalement rien, puisque Cloverfield créait son propre univers et s’avérait être un divertissement efficace, lançant la mode des films « found footage » tournés à la shaky cam.


Huit ans plus tard, alors qu’on était tous passé à totalement autre chose, la franchise Cloverfield revient en surprenant à nouveau tout le monde. On savait qu’un film intitulé alors The Cellar avait été produit par Bad Robot mais personne ne se doutait alors qu’il serait une déclinaison du métrage de Matt Reeves. Car ce 10 Cloverfield Lane n’est pas une suite de son ainé mais bien un film dérivé avec lequel il partage pourtant des liens du sang. On va y suivre Mary Elisabeth Winstead se retrouvant enfermée dans un bunker suite à un accident de voiture. Retenue par John Goodman, elle apprend que le monde extérieur n’est plus ce qu’elle croit être et « qu’une attaque » a eu lieu. Enfermée en sous-sol, elle va chercher à savoir qui est son ravisseur, s’il est gentil ou pas, s’il ment sur ce qui se passe à l’air libre ou pas et les conséquences qu’elle doit en tirer.


Les univers partagés sont à la mode depuis le début de la franchise Avengers et chaque studio veut sa part du gâteau. Pourtant, aucun n’a jamais osé proposer de véritable spin off des films en place. Aucun producteur n’avait cherché à sentir des sentiers battus et chaque film issu d’un univers ressemble toujours fortement au précédent. On comptait beaucoup sur Rogue One A Star Wars Story pour faire un bouger les lignes mais le film de Dan Trachtenberg lui a grillé la politesse. C’est la première grande qualité du long métrage : proposer quelque chose qui n’a rien en commun avec le Cloverfield original mais qui se déroule pourtant dans le même univers (et chronologiquement sans doute après). Alors que le film de Matt Reeves était un témoignage d’une catastrophe filmé dans New York, sa « suite » est un huis clos entre trois personnes dans un bunker. C’est d’autant plus intéressant pour le spectateur que nous, contrairement aux héros de l’histoire, nous savons déjà ce qui se passe à l’extérieur de la chambre forte et nous savons donc si les théories évoquées par le personnage de John Goodman sont vraies ou pas.


Mais au delà de l’héritage Cloverfieldien, le métrage de Trachtenberg est une réussite à part entière. Porté par des acteurs exceptionnels, en particulier Mary Elizabeth Winstead qui signe sans doute ici sa meilleure performance d’actrice, le film est bien écrit, rythmé et haletant. On soulignera notamment l’écriture des personnages qui, pour une fois dans ce genre de situation, ont tous des comportements censés. Si elle ne l’évoque jamais clairement, Winstead a forcément lu ou vu des histoires de séquestration et de fin du monde car, hyper débrouillarde, elle sait exactement quoi faire et comment quand un personnage de huis clos plus classique se comporterait forcément de manière débile. L’ensemble est un vrai thriller prenant dont l’issue n’est pas évidente.
Le scénario a été écrit d’abord par Josh Campbell et Matthew Stuecken qui voulaient proposer une histoire de séquestration classique puis réécrit par Damien Chazelle qui a inclut le script dans l’univers de Cloverfield. Quelque part finalement, cette nouvelle histoire est également en partie un film de monstres tant on a bien du mal à savoir sur quel pied danse le personnage de John Goodman.
Cette histoire est surtout mis en valeur à l’écran par l’ambiance sonore. La réalisation de Trachtenberg est honorable sans être exceptionnelle mais les équipes techniques ont bossé sur les sons et les bruits, de ce qui se passe à l’intérieur du bunker jusqu’à ce qu’on peut entendre à l’extérieur. Il faut aussi signaler le très bon travail sur la bande originale de Bear McReary.


Le seul regret à formuler vient du dernier acte, qui aurait mérité d’être raccourci, d’autant qu’il justifie la connexion avec le Cloverfield original avec de gros sabots. Si l’univers mis en place par Matt Reeves plane sur ce second volet depuis la scène d’introduction (dans son ambiance sonore justement !), on aurait aimé qu’il ne fasse que planer sans trop en dévoiler.


Dans tous les cas, que vous ayez vu Cloverfield en 2008 ou pas, vous prendrez votre plaisir tant ce nouveau volet qui n’en est pas vraiment est à lui seul un thriller efficace. L’original avait donné des envies à Hollywood de found footage à toutes les sauces. Espérons que cette nouvelle production de J.J. Abrams leur montre qu’une fois qu’on a un univers solide et une bonne histoire, on peut en faire ce qu’on veut.


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le 12 mars 2016

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