La Revanche des sites: James Bond à l'école de son cadet Mission: impossible (et 2de critique)

Une chose est sûre: Bond, James Bond est enfin de retour.
La question, c'est: pour combien de temps?


Car Spectre est à 007 ce que les cents jours sont à Napoléon:


Les différents sens possibles du participe passé adjectivé "parti" utilisé par Q en fin de film ont des relents de fin de Permis de tuer qui suggèrent autant une fin qu'un inquiétant reboot qui interviendrait au moment même où il s'agirait plutôt de faire une suite.


Ce qui est sûr, c'est que Spectre est un excellent James Bond dans la droite lignée des anciens volets auxquels il fait des allusions: Vivre et laisser mourir, Docteur No, Opération tonnerre, L'Espion qui m'aimait, Le Monde ne suffit pas, Goldeneye, Skyfall, Casino Royale. Bref, il est nourri de TOUS les précédents 007. Le retour à un ton plus bondien est par ailleurs assuré par le retour d'un gunbarrel non plus désinentiel mais bien initial.


Cela dit, deux problèmes se posent qui apportent leur ombre tentaculaire sur cette superbe et étonnante réussite de Mendès: quel creuset a vu renaître le phénix James Bond, dans quelle mesure et quid de l'héritage bondien, est-il bien exploité?


1- La Menace "Protocole Fantôme"


Si James Bond est de retour, c'est grâce à Tom Cruise, ne nous le cachons pas.
Persuadé qu'un Bond plus bournien était la recette d'un parfait renouvellement de leur héros, les producteurs mythiques de la franchise ont accouché de l'iconoclaste quoique jouissif Casino Royale et de Quantum of solace - que j'intitulerais plutôt The Bond consolation - deux Bond corrects mais qui font pâles figures face à Skyfall qui semblent parler d'eux à travers le beau James: "On ne peut pas dire que ce soit Noël avant l'heure !"
Sam Mendès exprime son désir de revenir à un Bond dans la pure tradition des Bond classiques, souhait relayé d'ailleurs par Kingsman en début d'année 2015. Ce désir trouve ses racines dans l'indéniable succès du Protocole Fantôme, quatrième aventure de l'agent Ethan Hunt. Ce dernier, plus bondien que Bond a fait rêver Jack Ryan (Shadow Recruit), Fast&Furious 7 (course en voiture d'une tour à l'autre dans Abu Dabi) jusqu'à Spectre.
Car le titre est une première preuve, une évidence comme diraient les anglais: Spectre est le synonyme de fantôme. Léa Seydoux est au générique des deux deux films. Le générique enfin, qui s'agence commence un méli-mélo de synthèse de l'intrigue façon M:I et retour sur les opus précédents dans une veine voulue proche d'OHMSS mais plus semblable à Spiderman 2 de Sam Raimi, témoigne de cette inspiration.
Mais Spectre va plus loin: il se veut le rival en cascade aérienne de Rogue Nation et développe une intrigue équivalente à cette dernière aventure du héros campé par Tom Cruise.
Et ce jusque dans les petites lignes, à l'exemple des gadgets dysfonctionnant, astuce récurrente des derniers M:I et apparue uniquement dans Vivre et laisser mourir en 1973, lorsque Moore tente de faire venir à lui une barque à l'aide de son montre magnétique.


Pour ne pas suivre les critiques justes de mes concritiques qui pointent le doigt sur la fin de Spectre, selon eux inutile et ridicule.
En fait, elle n'est rien de tout cela. Elle est effectivement le talon d'Achille de ce superbe James Bond et ce parce qu'elle est avant tout un honteux plagiat de Rogue Nation où 007, M, Q et Moneypenny deviennent une sorte d'équipe Mission: impossible se rendant dans une planque type Mission: impossible - la section section 00 ayant été dissoute comme la section Mission: impossible dans Rogue Nation - pour affronter les méchants de l'histoire dans un final qui mêle le spectacle urbain dantesque du final de Fast&Furious 7 et l'ultime confrontation de Bond et son adversaire séparés l'un de l'autre par une plaque de verre - qui veut rappeler la confrontation Bond / Renard du Monde ne suffit pas et qui rappelle la confrontation Hunt / Lane en fin de Rogue Nation.


Soyons justes, Bond le grand frère de 1962 à qui on impose en 1966 un petit frère cadet américain, sort balafré de la comparaison et cherche à rivaliser celui qui, ne tombant pas dans le piège de la bournisation l'a dépassé dans son propre domaine.
Cette métaphore parlera à qui aura vu Spectre. Bond serait-il devenu le Spectre de lui-même?


2- Quid de l'héritage bondien, un aveu d'impuissance?


Dans Spectre, il y a trois personnages majeurs qui répondent à ce questionnement: Hinx, Oberhauser et Madeleine Swann. Si Mendès a fait passer le message "Les vieilles méthodes sont souvent les meilleures" dans Skyfall, il y avait aussi parlé de 007 comme du "vieux singe avec les nouvelles grimaces". C'est un fait, Mendès affirme un nouveau paradoxe bondien qui explique l'accueil mitigé de Spectre: certains veulent le vieux singe, d'autres veulent les nouvelles grimaces.


Or, Mr Hinx est le parfait exemple de réinvestissement des classiques de Bond tout en assurant la nouveauté. Campé par l'impeccable Dave Bautista (Drax - non dans Moonraker mais - dans Les Gardiens de la Galaxie), il apparaît comme un nouveau Jaws, Requin en français, sans les dents en acier.


Il crève les yeux de ses adversaires avec ses doigts plutôt qu'il ne mord les nuque avec des crocs de Jaws.


Il est la preuve vivante qu'un James Bond à l'ancienne est possible. Petit bémol, sa sortie est trop précoce dans le film. Son retour est l'une des attentes des spectateurs. L'une des nombreuses que crée ce film.


Franz Oberhauser (l'hilarant Landa d'Inglorious Basterds) est quant à lui l'aveu incarné de Mendès d'une impuissance à recréer totalement l'univers et l'ADN original de Bond.


Une nouvelle fois, Mendès a pris les spectateurs pour des idiots en déclarant que Oberhauser n'était pas Ernst Stavro Blofeld. Il s'adonne donc à un jeu dangereux: le retour d'un ADN typiquement bondien est souvent argumenté problématique par la présence de l'hideux Austin Powers qui l'attend au tournant. Pourquoi donc lui faire le plaisir de donner comme lui un lien de parenté même artificiel entre Bond et sa nemesis?
Mais c'est d'un tout autre personnage que le réalisateur de Skyfall rapproche Blofeld. Car si le spectateur se fixe sur Bond pour en apprendre plus sur son passé, il découvre vite qu'Oberhauser est le personnage qui progressivement devient un personnage qui lui est familier: Blofeld. Le chef du Spectre est donc traité comme le chancelier Palpatine qui se change progressivement en Empereur Palpatine. Lancé dans sa vélléité de pastiche de Batman, Mendès en fait même une sorte de Double-face qui se retrouve gratifié de la balafre de Donald Plesance.
Néanmoins, ses successives entrées en scène témoignent que Blofeld a du mal à convaincre. Il pourrait pourtant mais Christoph Waltz semble lui-même peu investi. De là un Blofeld débraillé, chaussons au pied, indifférent ou presque - à un bisou près - à son chat. Le final, très critiqué, n'est pas mauvais mais aurait gagné en aura si Blofeld y avait eu son chat et avait perdu ses cheveux.


Madeleine Swann, interprétée par l'intrigante Léa Seydoux (qui en plus du film déjà cité a triomphé dans La Vie d'Adèle) révèle ce qui crée l'impuissance de retour aux sources dont Mendès fait état: James Bond est passé du Sofa de Crébillon fils au canapé de Freud.


A l'image de l'immeuble qui s'écroule dans un fracas dantesque de sensations fortes (Living daylight en anglais) pour retomber sur un canapé confortable.


Psychanalyste, elle n'a rien à apprendre de lui et tout à lui apprendre. Bond est devenu le petit bébé de ces dames qui lui apprennent la vie. La sensualité et les devants pris par 007 dans Spectre laissent entendre que Bond, pour redevenir Bond, doit s'affranchir de cette castration maternante que le politiquement correct féministe lui impose depuis Casino Royale.
Ce qui n'empêche pas au personnage de Swann de plaire et de rappeler la supériorité sur Bond d'une certaine Holy Goodhead dans Moonraker.
Il faut féminiser, dit le Dr Swann; il faut doser, dit le Dr Mendès.
La fin du film, concernant Madeleine, laisse le spectateur devant un écart artistique qui fait du pied de nez à OHMSS et laisse trouble l'avenir de Bond.


L'héritage bondien se voit à nouveau doté d'un nouveau type de méchant: le méchant bureaucratique, C, qui succède au ministre des Affaires étrangères de Quantum of solace et la ministre Claire Dowar de Skyfall. Mais il est, cette fois, un allié du méchant non-bureaucrate. Incarné par le méphitique Andrew Scott (dérangeant Moriarty de Sherlock), C (qui a le droit à une bonne réplique au sujet de son matricule) est haïssable à souhait


même si sa mort, ridicule, laisse à désirer...


La guerre des services reste une bonne idée de ce nouvel opus.


En conclusion, Spectre est un excellent James Bond, qui a retenu les leçons de ses cadets mais qui débouche sur une fin plagiaire et problématique quant à l'avenir de Bond qui entache le plaisir de l'ensemble.
Sa suite décidera de trancher véritablement entre excellent ou très mauvais.




03/2021



Ce que c'est que le recul



Cela fait longtemps que nous attendons maintenant un nouveau James Bond.
Et à y repenser, il semble que Mourir ne soit pas la seule chose qui puisse attendre.
La suite très improbable devancée par la première critique de ce film, elle aussi, se fait attendre depuis bientôt un an entier, cela sans parler de l'attente inter-films qui, au total, atteint le sommet faramineux de six ans, record enregistré jusqu'ici une fois seulement entre Permis de tuer et Goldeneye. Mais tandis qu'alors, les problèmes de tous ordres s'accumulaient, reculant la seule création du volet de 1995 (historique: Chute du Mur de Berlin, financier: nouveau patron à la MGM, judiciaire: les frasques de McKlory, puis d'interprète, car Timothy Dalton en avait assez d'attendre), le dernier volet de la période Craig subit - outre le Covid-19, qui n'est au fond responsable que d'un an de retard sur les six, la déroute qu'impose James Blond à la saga.
Le sens de "parti" en fin de film se précise: il y aurait, dit-on, une nouvelle 007 noire pour faire la nique au vieux briscard venu renouer avec le service. Outre l'effet MeToo, il y aurait en cas de vérification quelque chose d'assez triste à cela: comme le souligne et l'applaudit la chanson L'Agent secret de Petula Clark, sortie lors de l'âge d'or de Bond, seul le matricule 007 ne change jamais de porteur, ce qui fait tout son intérêt. Mais, voilà, Phoebe Waller-Bridge a pris les commandes ... de quoi renforcer l'inquiétude et assombrir l'horizon de la saga.


Alors quid de Spectre en l'attente de Mourir peut attendre ?
Spectre, comme Skyfall, perd avec le temps, quand la poudre aux yeux s'envole et que les yeux voient à nouveau clair.


Culture Pub et brouillon d'un chef-d'oeuvre


Spectre, à n'en pas douter, est un beau James Bond, un beau film, une réussite formaliste comme seul Sam Mendès sait les faire. On le saluera comme l'épatant brouillon qu'il est de 1917: il a une place à part dans la filmographie de Mendès et cette place n'a rien à voir avec James Bond. Spectre est beau, c'est un bel objet cinématographique. Mais c'est bien ce qu'il est, dans sa qualité comme son défaut: il est beau, uniquement beau. Uniquement formel. Le genre "Sois beau et tais-toi" en somme. D'une femme, on dirait une potiche, d'un homme, on parlerait de bellâtre.
Car il est une critique qui m'énervait prodigieusement à l'époque, venant de certains critiques qui furent plus clairvoyants: on disait de la scène de Monica Bellucci qu'elle faisait penser à un publicité de parfum. Il s'avère aujourd'hui à l'oeil soulagé des effets de style et des attraits de la nouveauté que le film tout entier est une immense publicité. Le plan-séquence qui voit Lucia Sciarra avancer dans les différentes pièces de sa maison: une pub pour parfum ... sans parfum. La course poursuite entre Bond et Hinx dans une Rome nocturne aussi déserte qu'en plein confinement (excepté le vieux pépé exigé par le gag), mettant en valeur, rutilantes, sans le moindre accroc dû aux différentes cascades, une Aston Martin DB10 et une Jaguar C-X75: une publicité pour voiture de luxe. La présentation de la voiture et de la montre dans le laboratoire de Q ? La partie gaget étant moins appuyée que la marque ou les capacités du litre au cent (ou au sang, "smatblood" !), on peut parler de publicité pour voiture et montre de prix. Si cette montre explose plus tard, elle le fera dans une scène qui insiste néanmoins sur son luxe tapageur. La réunion du Spectre, elle aussi, malgré ses nombreuses qualités, ressemblera à certaines publicités médicales des années 90-2000, la scène entre Bond et Swann dans l'Américain a des allures de publicité pour Heineken et pour la dentelle et l'Institut des Alpes suisses pourrait vanter les vertus d'un centre de remise en forme. Jusqu'à l'excellent pré-générique - sans doute le meilleur de toute la saga - qui, demandé par la ville de Mexico, sauve un film cousu d'allusions à d'anciens James Bond (des plus criantes au plus fines, avec une mention spéciale à la scène de poursuite de L'Espion qui m'aimait inversée: décors chauds/froids, pilotes des véhicules, courtoisies de Bond et de son adversaire) et d'emprunts opportunistes au Mission:Impossible du moment. Car s'il est dantesque, beau, s'il force Craig à être plus bondien, et s'il nous raconte quelque chose, il sert surtout à vanter la ville de Mexico pour importer du touriste et à vanter une star montante du pays, Stéphanie Sigman, pour l'exporter à Hollywood.
Cela, quoi que puissent le détester certains, pourquoi pas.


L'Effet Bansky


C'est autre chose qui gêne et que l'arrivée retardée de Mourir peut attendre met en exergue.
"When you don't look, you find", chante Rita Coolidge dans All time high, la chanson d'Octopussy. C'est un peu ce qui s'est produit avec Spectre. C'est en lisant le numéro spécial de Première consacré à Bond, en recherchant leur TOP 24 des volets de la saga, pour savoir où les plumes de la revue classait Spectre, que j'ai compris à la critique du film ce qui n'allait pas. À un élément bien précis de cette critique: "Somptueux, spectaculaire, le film culmine avec l'infiltration du meeting de SPECTRE. Kubrikien. Et puis, tout s'effondre. (...) Plus rien ne marche, tout s'auto-détruit". On touchait là au noeud du problème: le film est très bon, très agréable et en même temps bancal, hésitant, puéril et quasi-plagiaire.
C'est ce que je nomme l'effet Bansky en référence à La Petite Fille au Ballon, tableau beau et poétique, qui, dès sa vente accomplie, s'est auto-détruit devant une assistance médusée, la conséquence d'un engin destructeur caché à cet effet dans le tableau par son auteur, le fameux Bansky. On peut voir dans Spectre un pré-générique génial qui vient sauver un film plus que faible mais beau, brouillon d'un bien meilleur film, comme on peut y voir l'oeuvre d'un Sam Mendès - qui s'est lui-même proclamé grand fan des James Bond de l'âge d'or de la saga et qui ne voulait pas revenir sur un nouveau volet après Skyfall - déçu par son expérience du nouveau Bond, plus "vieux singe" que "nouvelle grimace". On peut y voir la volonté jusqu'au "Coucou" fatal sorti de l'ombre, que beaucoup reconnaissent comme le signal de départ de la grande destruction, de faire un excellent James Bond comme on les aime puis la volonté de le détruire, comme pour mimer l'acte de la période Craig. Spectre agira ainsi sur l'ensemble de la période Craig passée, amorce le James Bond retiré et remplacé par Miss MeToo Nomi (Know Me / No Me) du Mourir peut attendre à venir, et, pire encore, place une nouvelle Tracy à la va-vite et pisse ouvertement sur la tombe d'Ernst Stavro Blofeld, à la manière d'un Vian saoul. Le Blofeld revisité, de par sa présentation pseudo-crypté laisse d'ailleurs, au stade où nous sommes, lorsque j'écris cette seconde critique de Spectre, craindre le pire pour le pourtant très attirant personnage de Safin, prochain méchant, qui au lieu de s'assumer seul risque de devenir un pseudo-Dr No renouvelé ... ce qui serait désastreux ...
En réalité, Sam Mendès devait espérer ce qu'il annonçait et promettait dans Skyfall: un retour aux sources ! La chanson d'Adèle n'était-elle pas d'ailleurs une garantie que celle de Sam Smith rejette ? Il est dès lors possible de percevoir Sam Mendès comme un réalisateur dépossédé de son droit créatif pour ce qui est du fond (d'où ses querelles continuelles avec Craig, pourtant un de ses acteurs fétiches), accablé par l'impossible retour d'un véritable James Bond, excommunié par l'ère Craig. Sam Mendès officie après sa promesse de Skyfall en Pénélope de l'Odyssée: comme elle, il incarne une velléité de fidélité; comme elle, en attendant l'impossible retour de son héros, il tisse puis défait sa tapisserie. Spectre est un parfait James Bond qui s'auto-détruit, signifiant l'impasse dans laquelle Daniel Craig a mené la saga.
D'où l'effet Bansky, qui a fait s'auto-détruire un tableau frappé de l'inscription: "There is always hope" ...


Fan des années 2010


Il serait néanmoins trop facile de tout imputer à Daniel Craig, bien qu'étant devenu producteur, il porte une grande part de responsabilité. Aussi simple d'accabler l'ère Craig comme elle-même accable l'ensemble de la saga pour son seul prédécesseur - Meurs un autre jour - qui est souvent revu à la hausse d'ailleurs. Intéressant mais par trop ciblé d'observer la déchéance dans le coeur du public du héros de Fleming depuis que Barbara Broccoli a pris les commandes de la saga de son père qui, manifestement, ne se marie pas bien avec ses goûts narratifs voire politiques.
Le réel problème, non plus criant mais hurlant dans Spectre, réside dans un drame propre au cinéma des années 2010 dont le cinéma des années 2020 cherche peut-être aussi à se défaire. Le lièvre gît dans l'émergence de la Fan-fiction au sein des scénarii de film. Le genre paralittéraire de la Fan-fiction est née plus tôt, liée à la passion d'écriture des fanatiques d*'Harry Potter*, déçus (à juste titre, selon moi) par certains éléments de l'épilogue de leur saga livresque. Rien de condamnable à ça, le hors-texte, au sens de Bayard et de Barthes, est justement fait pour permettre en pensées ou en écrits l'expression de ce que le lecteur ajoute à ce qu'a mis en place l'auteur. Mais cela devient gênant lorsque l'auteur s'empare de cet hors-texte, agissant plus en fan frustré qu'en créateur. D'autant que les productions de la Fan-fiction sont de qualités inégales et que, n'ayant aucun statut officiel, elles peuvent s'amuser à jouer avec les personnages de figuration, proposer des péripéties grotesques et décousues. C'est tout cela que l'on retrouve dans Spectre: le personnage d'Estrella dont on ne saura jamais rien, un complot intéressant laissé en arrière-plan pour permettre l'ébauche de nombreux autres inabordés ou puéril (ex: James Bond a piqué mon papa, je vais me venger en mettant en place une organisation terroriste internationale - ce qui touche aussi le problème d'une fiction qui cherche à se renouveler en reprenant de manière sérieuse sa propre parodie: Spectre, entre Austin Powers et La Panthère rose) et l'utilisation d'un personnage d'arrière-plan d'un roman pour faire preuve d'érudition romanesque pour le changer en protagoniste maléfique qui, dans les romans même, n'est pas du tout le même personnage !
La Fan-fiction qui se hisse en scénario de cinéma n'est pas toujours un problème, elle a pu offrir l'intéressant Rogue One. Mais elle est source, comme c'était déjà le cas à son stade purement para-littéraire, d'oeuvres très voire trop variables: que penser de Solo (qui reste inachevé), que penser de Spectre ? Elle n'est problématique finalement que parce qu'elle n'est pas à sa place, comme sont problématiques les parodies prises au sérieux, les divertissements qui jouent au films d'auteurs, les messages politiques incrustés dans les choix narratifs et de personnages ou encore le recours trop systématique à l'écart artistique et l'esthétique de la surprise.
Et le drame de Spectre est de recourir à beaucoup de ces travers, se faisant néanmoins en cela un parfait mais triste miroir de la fiction cinématographique de la deuxième parties des années 2010.


En attendant le pire de Mourir peut attendre (Nomi, les gags misandres de Miss PW-B, la 007 moderne parce que féminine et black, si tant est qu'elle existe) mais aussi le meilleur (un Safin assumé, la parfaite incarnation du décalage bondien entre mondanité, élégance et flingues de concours - j'ai nommé l'ensorcelante Paloma d'Ana de Armas -, Primo ou l'homme demain si semblable au Minos de Peur sur la ville, un scénario un peu plus digne d'un film d'espionnage et de la démesure bondienne ainsi que ce que semblent promettre les notes finales assez classiques de fin de morceaux d'Hans Zimmer), je vous laisse sur la chanson de Petula Clark, à méditer sur ce que l'on appelle vraiment 007:
https://www.youtube.com/watch?v=vuYYgJJIHyE

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le 22 nov. 2015

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Frenhofer

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