Réhabiliter la figure paternelle.
Par Julien Bastide
Retour à la case bande dessinée pour Riad Sattouf après un détour par le cinéma, où on espère qu’il reviendra malgré l’échec public de son second long métrage, Jacky au Royaume des filles, bourré jusqu’à la gueule d’idées hilarantes sur le plan de l’écriture et de l’image, mais plombé par une narration mollassonne et somme toute assez peu cinématographique. Peut-être s’agit-il d’ailleurs d’un défaut typique des auteurs de bande dessinée passés à la mise en scène. On remarque en effet du côté de Joann Sfar ou Pascal Rabaté la même difficulté à structurer le récit autrement que par un empilage de scénettes (de vignettes ?) assez mal reliées entre elles, aux antipodes de la fluidité et de la science de l’enchaînement qui caractérise l’art de la narration filmée.
Ce retour est en tout cas une excellente nouvelle. Disons le tout net : certes aidé par un titre génial, L’Arabe du futur est sans doute le meilleur livre de Riad Sattouf. On y retrouve ce qui le distingue comme l’un des grands auteurs actuels : une capacité d’observation hors du commun au service d’une satire hilarante de la bêtise humaine. Mais l’auteur franchit un niveau supplémentaire avec ce livre en osant attaquer de manière frontale le registre autobiographique, comme s’il était parvenu à atteindre la maturité et le recul nécessaires pour cela. Une grande partie de son œuvre est en effet une autobiographie déguisée (Les Pauvres aventures de Jérémie) ou mal assumée (Retour au collège et No sex in New-York, où l’auteur est présent mais parle des autres pour éviter de parler directement de lui-même), à l’exception de Ma Circoncision, cri de douleur brut d’un enfant blessé dans sa chair et dans son âme. Il est d’ailleurs intéressant de mettre en parallèle ce dernier livre avec L’Arabe du futur, qui pourrait par comparaison passer pour une entreprise de réhabilitation de la figure paternelle. Présentée comme monstrueuse dans Ma Circoncision (où non content d’imposer une opération sans anesthésie à son fils déjà grand, son père ne lui offre pas le Goldorak géant promis), elle est traitée ici avec infiniment plus de bienveillance, comme si, là encore, le temps avait permis à Sattouf de comprendre ce père au parcours pour le moins atypique et, pour le coup, de lui pardonner. (...)
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