Toriko
6.5
Toriko

Manga de Mitsutoshi Shimabukuro (2008)

Toriko, ou le shonen Macdo’ qui se prenait pour de la haute gastronomie

Les fans de mangas de la communauté Otaku (dont je fais parti) s’en souviennent forcément (du moins, ceux ayant commencé à goûter aux mangas il y a une dizaine d’années au moins...ou ayant été attentif aux bouleversements du marché et l’arrivée de nouveaux rookies). Toriko ! Le manga écrit et dessiné par Mitsutoshi Shimabukuro dans les pages du Weekly Shonen Jump entre Mai 2008 et Novembre 2016, fut pendant longtemps considéré par ce même magazine comme étant leur nouveau diamant, j’irais même jusqu’à dire, comme étant L’Elu !
Quand je pense à Toriko, je ne peux m’empêcher de penser à cette gigantesque entreprise de promotion marketing de HYPE lancée par le magazine au début de la vie du manga.
Toriko, c’est le manga qui a fait l’objet de toutes les illusions...et de toutes les désillusions. Le manga est en effet entré dans le légende du manga game, non pas comme le succès planétaire que la Shueisha espérait (et a longtemps espéré) qu’il rencontre, mais tout au contraire comme l’un des plus gros bide de ces dernières années ^^ !


Si je devais résumer Toriko et mon avis sur le manga en une phrase, rien ne me paraîtrait mieux le décrire (étant donné que le manga a pour thème central la nourriture) que: «Le Shonen Macdo’ qui se prenait pour de la haute gastronomie».
Mit en avant dans les premières années de sa publication, au côté de Goku et Luffy de « Dragon Ball » et «One Piece », cela veut tout dire et c’est bien là tout le drame.


Il est évident qu’avec « Toriko », Mitsutoshi Shimabukuro (et l’éditeur Shueisha l’a trèèèès bien compris et y a vu une excellente opportunité de se faire un max de thunes comme jamais ^^ ), a voulu réaliser son rêve de gosse. Jeune auteur de manga forcément bercé par les figures emblématiques de médium dans les années 80, tout les Jojo, Dragon Ball, Hokuto no Ken, puis sans doute grand admirateur de One Piece par la suite, le p’tit Mitsutoshi s’est vu une opportunité, tel un humain, de s’inviter à siéger au sommet de l’Olympe.
C’est bien là qu’est le problème, et qu’a surtout été l’erreur fatale de Shimabukuro avec « Toriko », de se croire au même niveau que ses mentors spirituels.


A la lecture de Toriko (je n’ai pas encore finis le manga, mais lu 38/43 tomes, donc je pense que c’est largement assez pour avoir une opinion globale poussée et argumenté), ce qui me saute aux yeux, c’est le maniérisme excessif (presque de l’ordre de l’obsessionnel) dont le mangaka fait preuve. Si j’ai bien compris (?), la maniérisme serait une attitude dans l’Art apparue au XVIème siècle et qui caractériserait des artistes, dans différents domaines créatifs, à reprendre les œuvres passées pour les retoucher et faire leurs propres œuvres.
Dans un tout autre registre, celui du manga donc, j’ai vraiment eu la sensation de retrouver cette bonne vieille attitude artistique-historique chez le mangaka de Toriko.


Shimabukuro, il est fan des œuvres de Araki, Toriyama, Oda et d’autres. Son rêve c’est de leur ressembler, de se montrer digne de s’asseoir à la table des rois et de côtoyer les stars !
Seulement voilà, Shimabukuro n’est PAS un Toriyama ni un Oda. Et si en commençant Toriko, nous lecteurs, sommes volontiers près à croire que nous sous trouvons en présence d’un nouveau génie...après lecture d’une grande partie de la série, le bilan est en fin de compte assez gris.
En fait, le cas Shimabukuro/Toriko, C’est un peu comme dans le Cinéma. Michael Bay et Roland Emmerich sont des disciples de Spielberg, ils ont fait leurs armes auprès de lui et pourtant, ils ne l’ont jamais rattrapé. On a beau avoir eu le ou les meilleurs des professeurs, il y a un moment ou la réalité nous rattrape, on est pas tous des génies ^^.


Le flop cuisant de Toriko, je n’ai pas tant de mal que ça à le comprendre. J’avais oublié de dire qu’avant de me lancer dans le manga, j’avais d’abord commencé à aborder l’oeuvre à travers son adaptation animée, ô combien décriée sur la toile. Pourtant, en bon roi des opinions impopulaires que je suis, l’animé «Toriko», pour en avoir vu une bonne partie, m’avais bien plu. Tout le monde répétait pourtant que le manga était infiniment meilleur...et peut être que ça a joué dans ma déception à la lecture.


Toriko est un manga que je souhaitais vraiment apprécier de tout coeur et pourtant je n’ai pas réussi, j’en suis le premier déçu de n’attribuer que ce modeste 6/10.
A mes yeux il y a limite tromperie sur la marchandise quand le magazine prête au manga une aura de de plat haut de gamme style caviar et homard mayonnaise pour finalement, une fois la boîte ouverte, on se retrouve avec un Big Mac.
S’il serait idiot de reprocher à Toriko d’être un shonen nekketsu, qui est par définition vu comme le fast food de la culture manga, on est tout à fait en droit de reprocher au titre sa lourdeur pesante.
Des shonens nekketsu, des combats bien vénères et de l’aventure dépaysante, j’en raffole et j’en recherche, toujours autant, même en lisant des mangas depuis plus de 10 ans, mais Toriko,
je l’ai trouvé bien indigeste la plupart du temps.
Bon, la note est de 6/10, ce qui veut dire que je trouve d’indéniables qualités à l’oeuvre, et histoire de d’être équitable, on va dégager le maximum de positif du manga.
L’originalité de Toriko réside dans le curieux mariage des genres comme postulat de départ. Le manga est à la fois un shonen d’aventures et de combats, et dans le même temps un manga de cuisine. C’est cette rencontre improbable qui donne tout son intérêt au titre. Une idée de départ farfelu mais qui possède un énorme pouvoir: celui de nous donner envie à tout les instants de tout croquer à pleine dents et de découvrir l’immensité de la faune et de la flore de l’univers gastronomique imaginé par l’auteur.


Dans tout les cas, le manga assure toujours un grand plaisir de découverte doublé d’un sourire d’amusement devant les combinaisons abracadabrantes de paysages-nourritures et de monstres sauvages. Rien à dire là-dessus, Shimabukuro a de l’imagination et il ne se prive pas de laisser libre cours à ses idées les plus saugrenues. En fait, on a limite d’impression de voir un gamin jouer aux Légo ou de mettre en scène une guerre entre des chevaliers et des astronautes Playmobiles avec des T-Rex. Car au-delà de se faire plaisir et de savourer son rêve, l’auteur se laisse aller jusqu’à se perdre dans un gigantisme excessif qui à la longue en devient ridicule. Ce gigantisme, c’est en quelque sorte l’aspect «mal-bouffe» du manga. C’est gras, ça reste sur l’estomac...mais ce n’est même pas assez consistant pour nous caler.


En résulte un caractère de lourdeur qui nous gagne bien vite. Le manga devient fatiguant à lire. Je vais aller à contre-courant de pas mal de monde, mais sur ce point je n’approuve pas trop les fans de Toriko: voir des gros mastodontes de fauves-singes-léopards et tout ce que tu peux imaginer dans ta p’tite tête...,moi ça ne me donne pas envie de becter. Je sais que c’est un univers de fantasie, qui ne cherche pas à être assimilé à notre réalité, mais cet écart et cette norme du merveilleux frêne mon appétit. A chacun son opinion, mais en ce qui me concerne, j’ai du mal à éprouver de la faim pour de la nourriture fictive. Peut être bien qu’en disant cela, je passe à côté de l’une des plus grande force du manga mais c’est la vérité, si l’effet recherché est bien de donner faim avec de la nourriture irréaliste...c’est loupé.


Je trouve ça surtout loupé à cause...des personnages. Côté casting de personnages, ceux de Toriko sont pour moi un point noir, hormis Komatsu. Prenez Toriko, rien que Toriko. Le mangaka lui a collé la bouille de Jonathan Joestar de Jojo, un corps d’athlète à la Son Goku...+ une tenue ORANGE ^^. L’auteur a envie de rendre hommages aux œuvres de ses maîtres soit, mais là, on est même plus dans la simple imitation mais dans le plagiat. Toriko, Coco, Sunny, Zebra...à la vue de la silhouette bodybuildée de ces protagonistes, on voit que le mangaka veut renouer avec les standards des années 80. Le manga est en effet en parfaite rupture avec les nekketsu de son époque faisant la part belle aux 12 – 17 ans, bien souvent des gringalets tout frêles aux débuts de leurs aventures. En soit, cette volonté de s’écarter des portraits types de héros de shonens est tout à fait louable et j’irais même jusqu’à dire «couillu», mais le revers de la médaille, c’est le manque d’identification possible du lecteur à ces mâles alpha.
A ce niveau là, le problème relève peut être d’une question de génération. Etant né dans les années 90 et n’ayant pas connu le Club Do’, je ne suis pas habitué aux héros dotés de ce genre de physique.
C’est peut être ça Toriko en fin de compte, un manga qui arrive avec quinze-vingt ans de retard, qui se considère comme étant né dans la mauvaise époque et rêve d’un autre temps. Sans généraliser mon avis, je me dis que l’erreur du mangaka a été de trop faire une œuvre pour LUI, plus qu’une œuvre qui parle à la jeunesse des années 2000-2010.


Si le physique des personnages s’avère être un frein, je soulignerais quand même une ouverture intéressante avec la thématique du chasseur et de la proie, dans le domaine de la nourriture.
Il m’est souvent arrivé de faire le rapprochement entre les animés des années 80 style Hokuto no Ken, et les films en vogue du moment. Dans les années 80, c’était l’heure de Gloire des Stallone et des Schwarzenegger. Le film « Predator » de John McTiernan (1987) offre d’ailleurs une belle porte d’entrée à la thématique présente dans Toriko. Comme dans le film de monstre, dans Toriko, les personnages ont beau être des montagnes de muscles pour la plupart, ils ne sont finalement pas au sommet de l’écosystème. Là aussi c’est l’un des bons points que j’accorde à Toriko, dans son idée de faire rendre des mecs alpha vulnérables et autant des chasseurs que des proies...même si encore une fois, c’est au prix d’un sacrifice de la possibilité d’identification.


Mais s’il n’y avait que ça qui gênait avec les personnages, ça irait mais non, il n’y a pas que ça.
Au delà du frein lié à l’apparence physique, c’est le «Tout dans les muscles et rien dans la cervelles » qui dérange. Les personnages ne brillent que par leurs biceps mais sont d’une grande pauvreté niveau caractérisation psychologique. Qu’est ce qui fait que Toriko est Toriko ? Que Coco est Coco ect ? A part leur pouvoir qui les distingue, les personnages du quators n’ont jamais le droit à un développement psychologique individualisé (un qui est très réussi à ce niveau là, c’est clairement l’antagoniste Midora). Et je parle des pouvoirs de chacun, mais là aussi, énorme déception de ma part !


Les affrontements dans Toriko sont lisses à en pleurer, entre autre à cause d’attaques au rabais sans aucun style et aucun soupçon d’épicness. Là ou Luffy a un grand inventaire de techniques variées et identifiables, dans Toriko, les « Action Men » se retrouvent avec des techniques de punch et de coup de pieds fades. C’était la même chose avec Natsu dans Fairy Tail...oui sauf que FT offrait de sublimes doubles planches. Dans Toriko, et ça c’est ma plus grande déception...le dessin est rebutant. Le trait, comme les personnages, est d’un autre temps; le coup de crayon de Shimabukuro est poisseux et granuleux. L’auteur arrive à nous sortir de belles doubles planches, surtout quand ça touche aux environnements gourmets oniriques du monde imaginé, mais pour les affrontements, honnêtement, c’est brouillon.


Le manga s’enfonce toujours plus dans le bourrinage à tel point que plus on avançait, plus j’avais ce sentiment que Shimabukuro délaissait l’aspect cuisine de son épopée. On veut parler de cuisine, mais pourtant, je trouve les moments de préparation des plats négligés. C’est bien utilisé pour mettre en avant le développement de Komatsu et sa place centrale dans l’histoire...mais à chaque fois, il m’a manqué cet émerveillement devant les plats cuisinés (Tout le contraire de Food Wars où le processus de préparation est tellement bien décrit que ça donne vraiment faim).


Finalement, dans l’ensemble, Toriko c’est bancale. Shimabukuro s’est crût les épaules pour égaler les maîtres mangakas, et malgré une bonne idée de départ, ce mélange des genres qui faisait la petite étincelle de Toriko, c’est la lassitude qui gagne. La faute à un bourrinage lassant et un dessin pas à la hauteur. Encore une fois, une bonne idée de départ n’assure pas de réussir à faire une bonne œuvre de A à Z.

L_Otaku_Sensei

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6
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