Il est de ces bandes dessinées que l'on peut feuilleter négligemment adossé à un coin de bibliothèque, pour picorer un sourire. D'ailleurs, la plupart du temps, ce sont des artistes qui ont un rythme de travail important, sortant un ou deux albums par an, que l'on découvre au hasard..."oh tiens, il en a sorti un nouveau". Nous donnant par la même occasion, toujours une idée cadeau pour un pote qui fait la collection.
Puis il en existe une deuxième sorte: les albums dont on attend la sortie avec une impatience d'admirateur. Le livre qui ne fait son apparition qu'au bout d'un minimum de deux ans d'attente. Le livre que l'on précommande, que l'on est comme fou de voir enfin dans les rayons, que l'on tourne plusieurs fois entre ses mains avant de l'ouvrir pour respirer le parfum frais des pages que personne n'a encore feuilleté. Le livre qu'on est presque pudique d'ouvrir, parce que tout bon lecteur le sait: on a toujours qu'une seule occasion de lire un album pour la première fois. Et peut-être contrairement à d'autres premières, celle de la lecture est toujours la meilleure.
C'est dans cet état d'esprit là que je découvre un album "De cape et de crocs", depuis le deuxième tome. Cette fois-ci n'a pas fait exception : la bédéphile que je suis a sorti son thé des jours fériés et a coupé le téléphone pour savourer ce qui sera le dernier acte d'une saga parfaite.


Je vais revenir sur ce que j'ai pu affirmer dans la critique du tome précédent: à la relecture, ce diptyque que forment les tomes 11 et 12 peut être lu indépendamment des autres tomes. Pas de grandes incompréhensions si vous abordez le héros pour la première fois. Vous passerez seulement (c'est dommage...) à côté de quelques liens amusants.
Ce dernier acte met en scène le jeune Eusèbe, qui après avoir été en proie à de nombreuses péripéties parisiennes retrouve son frère jumeau pour une aventure de haut vol qui, on le sait depuis le premier tome de la saga, lui vaudra d'être envoyé aux galères. Ayroles maitrise parfaitement sa chronologie dans l'écriture pour lier les albums, qu'il s'agisse du début ou de la fin. On rencontre dans ce Paris du XVIIème siècle des personnages haut en couleurs, les canards de la cour ont des mouches au visage; des perruques et parlent de Descartes tout en incarnant des références à Dumas et au "Notre-Dame de Paris" de Victor Hugo. C'est ce qui fait la magie de cette saga, jusqu'au bout: les références sont partout, agencées avec classe, finesse, pour proposer une lecture qui est un véritable délice. Suspense, humour, poésie, mise en scène théâtrale de duels, TOUT est là jusqu'au bout. Le petit Eusèbe se montre toujours aussi mignon que naïf, à vous de décider si c'est une vertu ou un défaut à la lecture. Ayroles sait aussi se moquer des codes qui entourent héros et dénouements jusqu'à la toute dernière page.


Masbou s'est une dernière fois fait plaisir en dessinant ces trognes attachantes et surtout les paysages de Paris. L'occasion pour vous d'apprécier les ruelles malfamées, les cathédrales, les marchés et d'autres lieux emblématiques et romanesques que vous saurez apprécier. Encore une lecture prolongée par le temps passé sur certaines cases une fois que l'on a fait le tour des mots : admirez la dame qui rit aux éclats, l'ours qui regarde le feu, le mousquetaire qui court après une enfant...le sens du détail et un plaisir pour qui sait prendre son temps.


Un album qui vient une dernière fois nous toucher et une saga en 12 tomes parus en 21 ans, qui n'aura jamais diminué en qualité. Chapeau bas, courbette respectueuse, sourire en coin (coincoin) et surtout beaucoup d'émotions à savoir que c'était une lecture d'adieu. Merci aux auteurs (qui ne liront probablement pas cela, mais quand même), une autre collaboration pour d'autres aventures sera toujours la bienvenue.


"Mais moi, je croyais que vous étiez comme messieurs de Villalobos et Maupertuis, que comme eux vous ne renonciez jamais. Que comme eux vous aviez toujours un riant visage à présenter à l'adversité...un beau geste face au malheur, un bon mot face au danger. Que comme eux vous possédiez ce je ne sais quoi qui permet les plus improbables victoires et qui quand on perd empêche les méchants de triompher tout à fait. Cette chose que mes amis appelaient le panache"

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le 10 déc. 2016

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Mawelle

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