Le monde sans fin, dans l'idée, c'est un super concept. C'est l'alliance d'un grand nom de la BD (on doit notamment à Christophe Blain Quai d'Orsay qui sera adapté au cinéma par Bertrand Tavernier) et d'un ingénieur plutôt réputé (Jancovici est le créateur du bilan-carbone).
Tout aurait dû aller pour le mieux et pourtant, une fois l'album refermé, j'ai comme un goût amer en bouche, quelque chose qui passe un peu de travers et qui n'est pas évident à expliquer. Pour résumer, je n'ai rien contre la vulgarisation évidemment, c'est très bien, mais j'ai du mal avec la démarche d'expliquer des trucs en BD. Ce que je veux dire par là, c'est que pour moi la BD est un art, et j'ai toujours l'impression que c'est le medium idéal pour nous expliquer des trucs comme à des enfants de 6 ans à coups de schémas simplifiés et de personnages rigolos qui viennent dédramatiser une situation complexe. Ce que je veux dire par là c'est que dans la forme ça m'a beaucoup rappelé ces innombrables BD qu'on voit sur internet sur comment fonctionnent les élections législatives, qu'est-ce que la dépression où tout un tas de trucs de ce genre, souvent réalisées par des artistes sans talent.
C'est en mettant en scène un dialogue entre Blain et Jancovici que je retrouve ce côté infantilisant qui a tendance à me gonfler, parce que c'est évidemment très écrit et structuré, et surtout Blain, ou en tout cas son personnage, ne se pose pas tant de questions que ça. Jancovici sert de monsieur Jesaistout qui va casser les préjugés et expliquer de façon simple les tenants et les aboutissants de la crise énergétique, du réchauffement climatique et les solutions pour éviter qu'on soit tous morts dans 15 ans. Et ce qui est profondément frustrant c'est que cette BD montre qu'à l'échelle individuelle on ne peut rien faire de signifiant, et aussi que les quelques dizaines de pages sur le nucléaire à la fin ont de quoi faire débat. J'ai vu qu'il y avait une controverse sur les intérêts que Jancovici aurait à défendre le nucléaire de la sorte, et effectivement on peut se questionner sur sa neutralité affichée dans la BD. Je précise que je n'ai rien contre le nucléaire, et que globalement je n'y connais rien. Mais là j'ai l'impression qu'on me faisait passer au forceps certaines idées alors que j'ai entendu des arguments en tout genre qui ne semblent pas idiots qui n'allaient pourtant pas dans ce sens.
En bref j'ai plutôt aimé la première partie de la BD, en gros les 120 premières pages, mais je suis mitigé quant à la partie plus optimiste à la fin qui de toute façon ne va pas changer le monde car même si c'était effectivement la solution à appliquer, nos dirigeants s'en tapent.
D'un côté je suis content de me dire que cette BD qui parle d'un sujet important se vend très bien, de l'autre j'ai trouvé qu'il n'y avait pas assez de contradiction face aux arguments exposés par Jancovici et ça m'a un peu soûlé à la longue. D'ailleurs le texte en écriture manuscrite c'est pas toujours très agréable à lire, c'est dommage, même si je conçois que certains trouvent ça charmant, le fait que la BD semble bel et bien faite à la main de A à Z.