Reconstitution à partir d'une vaste enquête nourrie de documents rares de la préparation des attentats de 2015 (Thalys, puis 13 novembre). On suit en parallèle les destins des différents personnages, en priorité Abbaoud, et la cellule d'enquête française de la DGSI, avec un personnage fictionnel synthétisant le travail des enquêteurs. Le but de l'ouvrage est de répondre à la question : pourquoi, alors qu'elles avaient des pistes, les services de l'antiterrorisme ont-ils été pris de court ? Et aussi quel est le sens à donner à ces attentats ?


Il faut noter que les attentats eux-mêmes, mis à part celui du Thalys, ne sont pas montrés, ce que je trouve justifié comme parti-pris, tant ce sujet est sensible et tant nous sommes encore en train d'en subir les conséquences.


L'ouvrage est dense, avec des lieux, des dates, des rendez-vous, des appels, des destins croisés. N'espérez pas tout retenir par coeur. On comprend bien mieux ce que fut Daesh, et il y a deux très bonnes double pages qui discutent avec nuance les raisons de l'engagement de gens comme Abbaoud dans des attentats suicides. Un point de vue équilibré qui ne nie pas les déterminismes sociaux mais ne minore pas non plus une volonté nihiliste de tout faire péter. Avec également ce qu'il faut sur les méthodes d'endoctrinement et d'entrainement de Daesh.


Et donc, quelle réponse, concernant l'échec à empêcher les attentats ? La crise des migrants, qui a permis à ces Français partis faire le djihad au Sham (= la Syrie) de revenir en se fondant dans la masse des immigrés de l'époque (les services croyaient qu'Abbaoud était revenu en Europe alors qu'il était encore en Syrie, et inversement). La lenteur administrative qui fera que les smartphones ou ordinateurs portables sondés dormiront dans les archives des services belges. Egalement un manque de coordination entre polices européennes (la police grecque aux frontières aurait pu les garder à un moment). La taqqiyâh (pas explicitement citée), qui fait que ces jeunes gens, auditionnés par la police, savent très bien quoi dire pour passer pour des jeunes tout à fait sécularisés.


Esthétiquement, les images sont photoréalistes, au premier sens du terme car les différents protagonistes apparaissent, de manière assez répétitive, sous la forme de leur photographie la plus célèbre décalquée et répétée de case en case. Un parti pris, je pense, qui vise à ne pas les humaniser outre mesure, que je peux comprendre bien que je ne le trouve pas particulièrement enthousiasmant.


La cellule est parmi ce qu'on fait de mieux dans les BD-enquêtes. C'est un compte-rendu réfléchi, dense et pesé sur les mécanismes qui ont amené aux attentats du 13 novembre. Il faut s'y confronter, nous en avons tous besoin pour reconstruire par-dessus.

zardoz6704
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le 27 nov. 2022

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