Le rapport Broadeck est une adaptation en deux tomes du célèbre roman du même nom de Philippe Claudel. Manue Larcenet (Le combat ordinaire) a changé de style depuis son œuvre précédente, Blast. Le ton de ses œuvres est désormais beaucoup plus dure et noir. Il nous livre ici une œuvre sombre et profonde sur la nature humaine.
Un jour, alors que Broadeck entre dans l'auberge de son village perdu dans les montagnes.. il y trouve l'ensemble des hommes du village, tendu, le visage sombre. Ils lui demandent de rédiger un rapport sur ce qu'il s'est passé. Cette demande cache en fait une menace sourde. Broadeck a l'habitude de consigner tout ce qu'il voit et entend par écris. Sage, naturaliste.. il semble avant tout être un homme droit, sensible mais brisé par la violence du monde.
Au fil d'une histoire qui révèle peu à peu son histoire t ses personnages.. le lecteur découvre l'indicible.. La violence et la douleur que les hommes veulent absolument oublier. Sauf que Broadeck lui n'oublie pas car il a échappé à la mort mais n'en est pas revenue totalement vivant, et ses écrits sont un souvenir de la violence des Hommes. Il va alors être partagé entre son besoin de se rappeler de ce qui s'est passé et la menace qui pèse sur lui.
Le rapport Broadeck est une BD qui est visuellement d'une beauté à couper le souffle. Le dessin d'un noir et blanc profonds sublime les paysages et la nature. Manue Larcenet dresse le portrait d'un village perdu dans les montagnes qui représente une société en miniature. Une société meurtrie par la guerre et par la faiblesse du cœur des Hommes.
Les pages sont des tableaux d'une puissance évocatrice impressionnante dans lequel j'ai aimé plonger mon regard. Si la lecture est si puissante, s'est aussi grâce à la puissance implacable de sa narration et de la mise en page. On est perdu avec Broadeck, perdu entre la volonté de raconter la vérité et les menaces des villageois, perdu face à la douleur du passé et une famille a protéger.
J'ai rarement vu une œuvre qui traite aussi justement de la nature triste et froide de l'Homme. Le besoin qu'ont les groupes d'oublier la guerre, d'oublier les erreurs tout en se protégeant de l'inconnu et de l'extérieur. Cet aspect sombre de l'humanité est montré avec subtilité au travers de l'histoire de Broadeck et du village perdu dans les montagnes.
Tout n'est pas sombre dans ce récit. Broadeck a beau être meurtrie par ce qu'il a vécu durant la guerre, c'est aussi le personnage qui symbolise le plus la vie. Il aime par dessus tout la nature et arpente les montagnes à l’instar de cet étranger dont tout le monde a peur, mais qui ne fait qu'observer avec lucidité et amour le monde. De nombreuses cases dépeignent ainsi une faune, une flore et des paysages magnifiques.
Le rapport Broadeck est une histoire fascinante mais sombre dans ce qu'elle révèle de notre humanité.
Manu Larcenet transcende le roman de Philippe Claudel et livre un chef d’œuvre du neuvième art.
(critique des deux tomes)