Si vous aimez Alan Moore, que vous avez lu et aimé Watchmen ou From Hell, vous serez forcément déçu.
La BD est tellement courte que le scénario ne peut pas être aussi brillant que pour les œuvres citées plus haut. D'autant que sur les 46 pages, plusieurs temps sont présents (flashs-back du Joker), de même qu'il y a plusieurs focalisations (points de vue du Joker, point de vue de Batman, et même point de vue de Gordon). Ainsi, chaque élément est très peu développé, et l'ensemble n'est pas assez intriqué (ça reste cohérent mais superficiellement).
Les dessins sont dans la moyenne des comics, c'est-à-dire moyens (les beaux dessins sont rares dans les comics : par exemple Watchmen a des dessins moyens. Mais il y a des exceptions, comme From Hell, Sandman, Marvels, etc.)
Pour le fond de l'histoire, Killing Joke est, là encore, superficiel : le plan du Joker se veut machiavélique, mais il est vraiment branlant.
Il invite Batman à sa fête foraine, pour lui montrer que Gordon est fou, et ? Le plan ne va pas plus loin, alors qu'il doit bien se douter que Batman ne va pas repartir en disant "ah ouais, en fait Joker tu as raison" (surtout que Gordon n'est pas devenu fou...)
Ensuite, les flashs-back sur le Joker, qui sont le principal intérêt du livre, sont trop courts. On comprend qu'il ne lui arrive que des merdes, mais on ne voit pas trop comment il fait pour devenir fou. Ce n'est pas rendu assez sensible au lecteur. J'ajouterai que ce n'est pas une seule sale journée qui rend le Joker fou, mais l'ensemble de sa vie, qui a l'air déjà bien merdique avant cette fameuse journée...
Le fait que le Joker se dise que la vie est une blague, c'est effectivement intéressant, mais ce n'est pas bien utilisé : qu'est-ce qu'il y a de "blague" dans ce qu'il vit ?
Oui, il est ancien comique, on le prend pour le grand méchant parce qu'il a un masque rouge, etc. Je vois bien que la vision du Joker sur le monde comme vaste blague est tissé par le scénario, mais à mon avis trop superficiellement. Par exemple, sa femme meurt comme ça, de façon débile, sans lien avec le reste, ni sans qu'on puisse l'interpréter comme une "blague".
Enfin, la chute de l'histoire, à savoir la blague des deux fous, est une blague vieille comme le monde (elle existe avec d'infinies variantes) qui n'apporte pas grand chose, à part d'être une blague sur les fous, et de déclencher le rire de Batman.