Je m'appelle Esther et j'ai 16 ans. J'habite toujours à Paris, dans le 17e arrondissement avec ma pure famille d'exception et je songe à arrêter mes études.



"Je m'appelle Esther et j'ai tel âge", voilà l'éternel incipit de cette série de bandes dessinées, pleine de savoureuses pointes d'autodérision, qui suit l'adolescence... ben oui, d'Esther, et les histoires, plus ou moins banales, qui lui arrivent sur le temps d'une année scolaire (à chaque fois, on commence par une rentrée et on termine par une autre !).


J'avoue que je suis devenu à ce point accro aux Cahiers d'Esther de Riad Sattouf que je n'ai même pas eu, cette fois-ci, la patience d'attendre que le huitième volume soit disponible dans les bibliothèques de la ville dans laquelle j'habite, en me précipitant dans une librairie pour en acheter un exemplaire. Alors que je ne m'offre jamais habituellement de BD parce que, l'air de rien, ça coûte un "pognon de dingue" pour citer un grand philosophe. Là, ça a été plus fort que moi.


Et je suis loin d'être le seul fan, vu à quel point c'est devenu un phénomène, avec un nombre astronomique de vus, sur TikTok, à travers son adaptation en série animée. Ayant suffisamment d'autres occasions de flinguer ma capacité de concentration et mes neurones, j'avoue ne jamais aller sur ce réseau social, créé par les Chinois pour vider les cerveaux occidentaux. Mais dans les 17 ans, il y a quelques planches dans lesquelles l'héroïne s'interroge sur sa célébrité (ce que l'on peut voir dans certains des tomes précédents !) et sur le fait que tous les âges (pas seulement les jeunes !) s'intéressent à son "personnage".


Je passe sur l'autopromo maladroite, le temps d'une page, de l'auteur avec la protagoniste (si elle existe vraiment dans la réalité ou alors si ce n'est qu'une pose d'auteur !) qui aurait soi-disant croisé Vincent Lacoste dans la rue (allez Riad, avoue que tu as inventé ce prétexte uniquement pour augmenter tes chiffres de vente du Jeune Acteur, racontant le tournage des Beaux Gosses !).


Ce que j'apprécie en lisant Les Cahiers d'Esther, c'est que l'on retrouve des faits d'actualité qui sont si proches (ici, on est en 2021 et 2022 !), mais qui, pourtant, dans le même temps, paraissent si lointains, tellement une avalanche de news en recouvre aussitôt une autre. Les réactions du moment de l'héroïne peuvent rappeler les nôtres.


Il y a, bien sûr, la guerre en Ukraine qui provoque la stupéfaction, que dis-je l'horreur de l'héroïne. Avec en supplément, la terreur de se recevoir un putain de missile nucléaire sur la gueule. Beaucoup de personnes (y compris votre serviteur !) ont ressenti les mêmes sentiments. S'il n'y avait pas des civils à mourir atrocement ou à perdre des proches, avec le recul, on rigolerait de notre attitude à l'époque.


Il y a aussi les élections présidentielles de 2022, remake de celles de 2017, avec exactement les mêmes options, peste ou choléra, pour finir par se tirer une seconde balle, avec le même révolver, sur le second pied. La jeune fille a la lucidité de détester tous les candidats et d'avouer qu'elle aurait été en galère si elle avait eu l'âge de voter. Comment lui donner tort !


Autrement, la Cour suprême américaine a donné un gros coup de canif aux droits des femmes. Rien n'est jamais définitivement acquis. Et la révélation fracassante pour Esther que ce n'est pas juste un truc venant de vieux messieurs machistes.


Sur un plan plus intimiste, le personnage principal passe son bac de français, avec tout le stress que ça implique, en espérant ne pas tomber à l'oral sur un extrait de Juste la fin du monde de Lagarce (eh oui, lorsque l'on passe cette épreuve, il y a généralement un auteur dans la liste de ceux étudiés en cours que l'on souhaite éviter !), passe son BAFA, ce qui m'a permis de voir comment se déroulent l'examen théorique et celui pratique (pour ce dernier, non sans un malentendu !), et gaspille une journée avec l'obligatoire JDC. Et on parle bien moins du covid, donc la méfiance diminue, donc il a plus de facilité à squatter chez nous.


Et il y a le temps qui passe. Les parents qui paraissent vieillir d'un coup, l'approche de l'âge adulte et le fait de devoir prendre une décision pour son avenir professionnel, sans savoir que choisir.


Avec tout ça, il y a encore moins de place à consacrer pour les joies entre copines, pour les séjours à Bain-de-Bretagne chez la grand-mère, pour les découvertes d'artistes, de chansons, de films (sauf le rituel de passage d'une génération à une autre, du père au petit frère, avec les Star Wars !).


Pour ce qui est des garçons (tout juste confesse-t-elle une romance passée et un râteau !) et de la sexualité, Esther n'en dit pas trop, reste assez pudique, comme c'était le cas avec les autres albums. Elle semble rester une fille sage qui se refuse même à essayer la drogue légalisée qui rend tout le monde malade.


Décidément, la vie normale d'une adolescente normale est un vivier incroyable pour réfléchir et en dire énormément sur notre société, sur tout ce que l'on a traversé et que l'on traverse.


Comme Sattouf, par l'intermédiaire de son héroïne, dans une des planches, j'ai intégré dans cette critique, une épanorthose. Saurez-vous la retrouver ?

Plume231
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le 2 juin 2023

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