Demon Slayer
6.5
Demon Slayer

Manga de Koyoharu Gotōge (2016)

Quand j'ai commencé l'anime, j'ai pensé que comme pour My Hero Academia, cette nouvelle génération de shonens avait trouvé le cœur de la formule et nous en présentait la version la plus épurée et réussie jusqu'ici. Eh bien, j'avais tort.


J'aimais beaucoup le côté rationalisé, rapide et efficace. Diantre, sa famille a été massacrée et il doit sauver sa sœur. Il découvre le souffle de l'eau. Il s'entraîne plusieurs années, mais c'est plié en 2/3 épisodes. Il apprend qu'il n'y a qu'un seul coupable possible (une règle un peu tordue par la suite). Bon ce dernier a une petite équipe de sbires d'élite, on ne va pas se faire le boss final direct tout de même, mais y en a pas des masses non plus. Il rencontre deux faire-valoirs sympathiques.


Ça prenait pas 15 plombes et c'était joli et bien foutu.


Au final, comme bien d'autres shonens, Demon Slayer commence avec beaucoup de potentiel, mais n'en fait pas grand-chose au final. Le manga pâtit de la comparaison avec sa version anime, au lieu de transcender les codes de son genre, il finit par s'embourber dedans et plus ça dure plus la cohérence de l'univers et la qualité de l'intrigue s'étiolent.



Une comparaison défavorable avec l'anime



J'ai vu la première partie de Demon Slayer en anime et n'ai commencé le manga qu'à partir du moment qui correspond à la fin du film Mugen Train. Je n'ai pas lu l'équivalent manga de toute cette première partie (les 8/9 premiers tomes) donc je ne peux pas faire de comparaison directe. Toujours est-il qu'au moins pour la suite, la qualité du manga n'est pas au niveau de la première saison de l'anime. (Pour ce que ça vaut, un pote qui a lu et vu cette première partie m'a dit avoir le même sentiment sur ce segment-là.)


Cette différence se fait premièrement sentir au niveau visuel, ce qui est assez rare dans une comparaison manga / anime. Pas que Koyoharu Gotōge soit un mauvais dessinateur, il est capable de faire des belles choses, malheureusement la qualité graphique est globalement assez inégale. De plus, elle penche plus souvent du côté moyen que du côté impressionnant. (Bon après il faut admettre que c'est souvent le cas des mangas avec des rythmes de parutions aussi effrénés, mais ça reste un défaut). Il a également tendance à utiliser fréquemment un style simplifié à des fins humoristiques, ce qui est moins le cas dans l'anime, ou en tout cas la brutalité du contraste de ton se fait beaucoup moins sentir.


Ces moments comiques parsemés un peu partout ne sont d'ailleurs pas des meilleurs. En plus de ne pas être très drôle, ils portent préjudice à l'immersion et l'intensité de l'action quand ils sont répétés plusieurs fois au milieu d'une situation qui est censée être très dangereuse. Je ne me rappelle pas de petites blagounettes toutes les cinq minutes lors des combats contre la famille araignée à la fin de la saison 1 de l'anime.


Globalement, l'anime sublime la qualité graphique et la mise en scène du matériel original. La présence de l'OST, qui est vraiment bonne, fait aussi beaucoup pour rajouter une vraie intensité aux moments clé.


Bref, le manga est correct là où l'anime est excellent. Pour autant, je ne sais pas s'il sera en mesure de sublimer le manque d'inspiration du final assez fade de son matériel source.



Les poncifs éculés du shonen



Dès le début Demon Slayer reprends pas mal des clichés habituels du shonen, mais il le fait de manière adroite et efficace. Malheureusement, ce doigté s'essouffle trop vite, notamment à cause de l'abus de certains procédés peu originaux.


Après deux ou trois fois, le fait que les protagonistes finissent aux portes de la mort après 5 secondes de combat devient vraiment lourd. Surtout que, bien évidemment, ils continuent l'intégralité du combat dans cet état et réussissent toujours à s'en sortir de manière plus ou moins convaincante, et vu la surenchère constante, on est de plus en plus dubitatif. Quand on essaye de rendre tout intense artificiellement, on finit par tout rendre ennuyeux. Il faut savoir doser.


Il aurait été appréciable qu'il y ait des combats un peu plus équilibrés ou au moins qui durent un peu plus longtemps avant que la situation ne devienne désespérée. On pourrait dire que c'est parce que les adversaires sont très dangereux et que les combats contre les sbires sont passés en ellipse assez tôt dans l'histoire. Néanmoins, cela ne change rien à la lassitude qu'on éprouve rapidement. Par ailleurs, on ne sait pas trop comment ces derniers, s'ils sont si puissants, font pour être aussi incompétents. Les gars font 90 % du boulot au début et sur tout le temps qu'il reste, ils ne sont pas foutus de donner le coup de grâce à une bande de gamins épuisés et grièvement blessés.


Similairement, le coup du cliché de ne pas se battre à pleine puissance au début du combat est usant et totalement con. Sauf s'il y a des témoins qui peuvent prendre des notes sur ses techniques, quel est l'intérêt de ne pas buter son adversaire aussi vite que possible ? C'est juste augmenter les risques de se prendre un mauvais coup. Mais non, dans ce manga, les héros attendent les dernières secondes pour donner tout ce qu'ils ont et les ennemis attendent de s'être quasiment fait tuer pour passer à leur final form (quand ils n'en ont pas 3 ou 4 pour toujours plus d'emmerdement). Quand c'est fait avec modération et bien intégré à l'histoire ça peut passer, mais là l'abus deviens la norme.



Délitage & déception



Pour moi, le manga commence vraiment à battre de l'aile à partir de la fin de l'arc chez les geishas. Le frère lune supérieure qui se bat avec des faucilles empoisonnées arrive vraiment comme un poil sur la soupe. Son apparition est assez gratuite, son design assez crade et il est généralement fatigant. Je ne sais pas si c'est la fan trad ou le texte original, mais sa sur-utilisation du mot "mec" devient vraiment usante. De base, ça me fait plutôt marrer quand il y a du langage familier qui sort un peu de nulle part dans une traduction française de manga, mais il faut savoir doser quoi. Là, ça porte juste préjudice à l'immersion et ça lui donne une aura de gros cassos.
Plus tard, la Lune Supérieur pseudo-artiste dans son vase arrive à faire pire. Il est juste dégueulasse dans tous les sens du terme et ce n'est pas un compliment. Ce n'est pas une immondice bien retranscrite visuellement, il est juste moche et il fait pitié, son design comme sa personnalité.


Le manga passe son temps à introduire de nouvelles idées à son "système de magie". On accepte les premières, comme les techniques de souffle qui permettent de trancher un bon gros rocher en deux au katana, vu que c'est la présentation de l'univers et que ça établie les règles de base. Sauf que ça n'arrête jamais et qu'à chaque ajout, qui n'est jamais justifié et n'obéit jamais ne serait-ce qu'à une forme de pseudo-logique, la suspension consentie de l'incrédulité en prend un coup. Le pouvoir de Genya ne suit pas du tout le concept des souffles et n'est jamais, ne serait-ce qu'un poil expliqué. La pilier de l'amour se bats avec un katana-fouet mou, mais apparemment, c'est totalement normal qu'elle arrive à trancher des trucs super durs quand même vu qu'elle a une densité musculaire hors norme (bah oui, c'est clair que ça explique tout). Le pouvoir du souffle du soleil est non seulement contagieux, mais en plus, il fait apparaître une tache de naissance sur la tronche de ses utilisateurs.
Je ne vois pas vraiment de raison à ce flux continu non justifié, hormis le fait que le mangaka trouve probablement les concepts cools. En gros, les règles, c'est : "ta gueule c'est magique". C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup.


La genèse du conflit principal est tout aussi décevante. La backstory de Muzan est tellement expéditive et inutile que je ne sais pas si je suis censé l'interpréter comme du foutage de gueule volontaire.


C'est littéralement : un jeune homme maladif depuis l'enfance, Muzan, boit une tisane douteuse d'un docteur random qui lui confère des pouvoirs surnaturels surpuissants au prix de brûler vif s'il s'expose au soleil. Irrité par cette limitation, Muzan bute de docteur et avec lui tout remède potentiel contre cette faiblesse au soleil. Il se créée donc une armée de sbires (oui, parce qu'apparemment sa mutation est aussi transmissible par le sang) pour retrouver la fleur utilisée pour l'infusion et devenir un Übermensch intégral.
D'ailleurs, contrairement à tous les autres antagonistes de la série, il n'a pas le droit à une explication des souffrances qui l'ont fait arriver là. Il a juste peur de mourir et c'est un gros bâtard. Le méchant principal a un passé plus simpliste que n'importe lequel de ses sbires de bas étage.
Sans déconner, l'origine des pouvoirs des démons, c'est vraiment une putain de tisane aux fleurs, c'est tout.


Enfin bon vous inquiètez pas, l'origine du pouvoirs des pourfendeurs de démons est tout aussi naze.


Les pauvres humains de base essayent donc de lutter contre cette nouvelle menace que sont les démons, mais ils n'ont que leurs fundoshis et leurs katanas quoi, du coup ils se font bien marave. Fort heureusement, un jour béni, Jean-Gary Stu du soleil naît, lui et sa vision rayon X. Apparemment, il était toujours destiné à vaincre Muzan, mais par qui ou par quoi mystère et boule de gomme, faut pas chercher. Alors qu'il aurait pu le buter les doigts dans le nez, il décide de faire une petite pause avant de finir de le démembrer pour faire un brin de causette. Une décision qui causera bon nombre de morts inutiles jusqu'à l'époque des héros principaux de l'histoire du manga. Il se rattrape en apprenant aux autres couillons à respirer comme un Übermensch, même s'ils ne pourront jamais égaler son niveau de Gary Stu, faut pas déconner non plus.


Franchement, Koyoharu aurait fait un truc bateau avec deux divinités rivales, une du soleil et l'autre de l'ombre, qui octroient leurs pouvoirs aux humains pour se foutre sur la gueule à leur place, ça n'aurait pas été incroyablement original, mais ça aurait été quelque chose au moins. Je n'aurais pas eu le sentiment de m'être fait cracher à la gueule pour avoir osé m'investir un peu dans les mystères de l'intrigue. C'est même pas comme si c'était déconnant vis-à-vis de ce qui a été introduit jusque-là, il y a bien un paradis, un enfer, un purgatoire et la possibilité de se réincarner. Quelques p'tites divinités par-ci, par-là c'est pas ce qui va faire tâche.


D'ailleurs, petit aparté, mais je trouve ça un peu paradoxal que les derniers instants de chaque démon retracent les traumatismes qui expliquent ce qu'ils sont devenus, et au moment où on développe finalement un peu d'empathie pour eux, zou aller simple pour l'enfer. On vient d'expliquer que t'as eu une vie de merde à te faire abuser par tes proches tout du long, pour ensuite te faire infecter par une mutation, parfois contre ton gré, qui te donne une envie irrésistible de bouffer des gens, mais c'est 100 % ta faute quand même. T'es con, il fallait juste naître dans une famille riche et aimante sac à merde. Dura lex, sed lex.


En soi, j'ai l'impression que même s'il avait juste choisi de ne donner aucune explication, j'aurais été déçu certes, mais je pense que me serais senti moins insulté quand même.


Encore une fois, l'unique explication derrière toute l'histoire et les phénomènes surnaturels, c'est simplement : "ta gueule c'est magique" au final.


Avant d'en finir avec cette critique, il me faut aborder la conclusion du manga. C'est une fin bien gorasse, assez moche et encore une fois décevante. On n'a pas vraiment le sentiment que toute l'histoire jusqu'ici mène vraiment à cette conclusion-là. Pas mal des protagonistes perdent des membres voire même leur vie, mais à ce stade, on en a déjà plus grand-chose à foutre. Par ailleurs, le ressenti est bien plus artificiel qu'intense, on dirait qu'il a juste rempli son quota de trucs pas cools qui arrivent aux "gentils". Il y a bien quelques bouts de combat sympathiques dans les derniers tomes, mais la lutte finale contre Muzan est foncièrement insatisfaisante. Pareil pour le pseudo-suspense à deux balles à la fin ou Tanjirou, résiste à la tentation démoniaque, on attend juste que ça en termine enfin.


L'épilogue n'est pas mieux. Déjà, la rupture dans le ton fait quand même assez mal. Pis, je m'en bats les steaks de ce qui arrive à la progéniture distante des protagonistes, même s'ils ont exactement la même tronche et qu'à priori, ce sont leurs réincarnations. J'en ai rien à foutre d'une bande d'ados insupportables qui vivent 200 ans plus tard et que j'ai jamais vu avant.
De plus, le sentiment de "on a buté les démons et maintenant tout va bien" sonne bien faux, surtout quand le background de quasi tous les démons, c'est qu'ils sont devenus vilains après s'être fait victimiser par des humains tout ce qu'il y a de plus normaux.


À mon avis la descente aux enfers de ce manga reste plus douce que pour un Bleach ou un Naruto, mais ça n'empêche pas que c'est vraiment pas fameux pour autant. Le seul éloge que j'aurais à faire, c'est qu'au moins il a eu le bon goût de s'arrêter relativement rapidement.



Conclusion



Ça reste un manga correct globalement, avec plusieurs moments vraiment inspirés et c'est d'autant plus dommage que ça parte progressivement en couille sur la fin. Dans sa totalité, force est de constater que ça ne casse pas trois pattes à un canard alors que ça aurait pu faire bien plus.


Il ne me reste plus qu'à espérer que My Hero Academia, ne partage pas le même destin (jusqu'ici, c'est toujours qualitatif, pour l'anime en tout cas).


Verdict : 6 – Pas mal, mais décevant pour ce qui aurait pu être du Très Bon voire même du Excellent.

ashtrail
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le 8 nov. 2021

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ashtrail

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