La sortie du tome 4 me donne l'occasion de me replonger dans ce premier opus, truculent et dense. Une réussite absolue, selon mes critères : un dessin zéro défaut, expressif, drôle, touchant parfois, qui ne laisse rien - mais alors rien du tout - au hasard, et une histoire enlevée et suffisamment complexe pour soutenir l'intérêt. Et cet humour ravageur qui me fait hurler de rire : ce vieux fripon qui déboule à l'enterrement de Lucette en braillant à la porte "Y'a de la gonzesse, un peu ?", comme si désormais les obsèques étaient les dernières boums encore accessibles aux gens de son âge... Une irrévérence folle, désespérée et rageuse qui change un peu du ton compassé qu'on réserve aux seniors. Ceux-ci sont justes infernaux, on a envie de les envoyer se calmer dans leur chambre, comme les sales gosses qu'ils s'appliquent à être. Mais sous la couche de provocation affleurent parfois les blessures du passé et, tels Mimile découvrant soudain un corps (relativement pulent, le corps...) couvert de tatouages maoris, ces petits vieux à la gouaille bouillonnante se révèlent plus complexes que prévus, bardés de blessures dues à une vie bien remplie. Une façon de nous rappeler que ces insupportables babyboomers trop gâtés et ingrats qui nous rendent si souvent dingues pourraient bien, eux aussi, constituer une partie de la solution à tous ces problèmes apparemment insolubles qu'ils nous laissent en héritage...