Personnellement j'ai toujours eut une certaine méfiance pour les BD de DC dans les années 90, par rapport à Marvel ou Image je trouvais qu'ils avaient un vrai train de retard en terme de complexité, de dessin et tout simplement d'ambiance. Le poids des années étaient trop lourd pour leurs épaules. Je ne me suis donc pas lancé sur Un Long Halloween comme un fan hystérique, mais comme l'amateur de Batman prêt à en découdre avec cette décennie que j'aime si peu. Considéré comme la « suite » de Year One, que je n'ai toujours pas lu en plus, je craignais de me sentir exclu de l'histoire, mais finalement cette non-lecture ne m'a guère handicapée. Bref, je me suis lancé dans Batman : Un Long Halloween.

Alors, passons rapidement sur le dessin, histoire de boucler cela rapidement, Tim Sale est un génie ! Je retrouve dans son coup de crayon une atemporalité digne de David Mazzuccheli, elle peut être lu aujourd'hui comme si elle était sortie hier, et de la même façon aurait put être dessiné dans les 70's. C'est donc très fort, très symbolique et très représentatif, non pas d'un style, mais d'Idée ! Avec peu de coup de crayon, Sale nous montre clairement des personnages et tout une symbolique derrière. Certains n'apprécieront pas son Joker très loin de l'aspect THE nemesis de Batman, mais bon, je trouve qu'au contraire, le voir comme un méchant parmi d'autre est bien plus agréable pour une fois. Autre particularité, l'ambiance est résolument kitch, de par l'histoire même, nous retournons vers un Gotham City où la pègre règne en maître, une ambiance old gangster et film mafieux se ressent donc avec une belle réussite. Nous pouvons noter à ce propos la scène d'ouverture identique à celle du Parrain. Au niveau donc de l'aspect un peu ancien, Sale arrive à mettre en place un Batman et une Catwoman clairement moins moderne qu'aujourd'hui, en assumant le kitch du passé et l'aspect « originelle/début d'aventures » sans pour autant rendre cela laid ou illisible pour les jeunes. Clairement un grand monsieur. Les méchants dégagent une vrai énergie, comme chaque personnage je devrais ajouter. La scène de réunion de « freak » chez Le Romain vaut tout l'or du monde et est devenu une de mes planches préférée dans l'histoire de la BD.

En terme d'histoire, le scénario de base est déjà bien agréable : Harvey Dent, jeune procureur, s'associe avec Le Batman, justicier masqué et James Gordon, inspecteur de police. Leur objectif ? Mettre fin à l'empire du crime de Carmine Falcone, dit Le Romain. Unis par le même amour de la Justice et de la légalité, les 3 hommes ne vont pas devenir de simples complices, mais de véritables amis. La relation Wayne/Dent, Batman/Dent et Batman/Double-Face se comprend bien mieux avec cela. Double-Face n'est pas un simple criminel fou, c'est l'ami perdu de Batman, celui qu'il aurait pu devenir si le hasard avait été contre Wayne et non contre Dent. De la même façon, Gordon et Batman s'entendent bien moins que Batman et Dent, mais le jeune procureur devenant Double-Face, il ne reste que les deux éléments les plus éloignés du trio, condamnés à travailler ensemble ils finiront par s'apprivoiser comme les histoires suivantes de Batman le prouve.
En plus de ce scénario de base, nous pouvons ajouter que Falcone souhaite maximiser ses revenus, et pour cela, il va faire appelle à différents supers-vilains parmi lesquels Poison Ivy, l'Epouvantail, le Chapelier Fou … Nous retrouverons aussi Catwoman qui jouera au chat et à la sourie avec Batman/Wayne mettant au point une relation si complexe qu'elle dure encore de nos jours. A mes yeux, nous avons là, la vrai et sublime Selina Kyle, une princesse-tigresse, apte à sortir ses griffes quand elle ne vit pas dans le luxe le plus complet. On retrouve également le Joker en fou sanguinaire prêt à tuer des milliers d'innocents juste pour tuer un criminel rival (Holiday, dont nous reparlerons vite). En plus de cette clique nous verrons également Solomon Grundy (trop rare en général), l'Homme-Mystère et le Pingouin. De cela sort une ambiance que j'adore : Gotham City reste une ville « sale », une ville des ténèbres, mais elle n'est plus la ville de la pègre, elle est la ville des fous ! Comme Alberto Falcone le dit à son père, c'est finis, aujourd'hui ce sont les « freaks » qui gouvernent cette ville. Nous avons glissé lentement de l'ennemie tentaculaire qu'était la pègre du début au supers-vilains si connus chez Batman.
Enfin, également en troisième partie, nous avons l’enquête sur le tueur « Holiday », tueur en série qui élimine les alliés de Falcone chaque mois le jour d'une fête (Halloween pour commencer, puis Thanksgiving, Noël, le Nouvel An, etc …), qui est ce tueur si habile ? Pourquoi oeuvre-t-il ? Si ces questions semblent être au centre de l'histoire, elles cachent le vrais ennemie qu'est Falcone et les deux autres thèmes principaux que j'ai mentionné ci-dessus. Loin de dire que Holiday n'est qu'un bonus, je pense au contraire qu'il est l'élément déclencheur de ses événements, il est l'étincelle dans une pièce remplie de gaz. Mais pour ne véritablement comprendre cela, il faut bien analyser la pièce emplie de gaz justement. L’enquête sur Holiday a cette particularité que l'on ignore qui c'est et que plusieurs personnes sont potentiellement Holiday. L'aspect « policier » de Batman ressort grâce à cela, c'est justement génial et succulent de se questionner sur qui est Holiday. Jeph Loeb est un grand génie pour avoir mis en place cette enquête.

Et si c'était tout, comme nous l'avons vu ce tome des aventures de Batman est à la fois une enquête policière, un film mafieux, une épopée sur l'évolution mythologique de Gotham, une histoire d'amitié. Mais on ne devrait pas oublier la dimension plus humaine. Véritable histoire sur la famille, que ça soit celle de Falcone, celle perdue de Bruce Wayne, celle des criminelles, celle des Dent ou celle des Gordon, le niveau de lecture peut fluctuer et nous apprendre d'avantage avec de petits détails sur des personnages primordiaux du récit.
L'aspect psychologique est très fort aussi, il me paraît difficile de comprendre vraiment Batman de nos jours sans lire cette BD, son rapport à ses parents, à la criminalité, à la violence mais aussi à l'amitié, à Gordon et à Dent, passent par ce tome. De la même façon, la lente et difficile descente de Harvey Dent en Doub-eFace peut sembler brusque à celui qui ne fera pas attention aux nombreux détails sur les troubles psychologiques que le personnage, pourtant porteur d'idéaux nobles, va devoir affronter.

Cette multiplicité des thèmes abordés et des angles de vue fait de Batman : Un Long Halloween une des meilleures BD du chevalier noir, et globalement une des meilleures œuvres du 9ème art. A posséder de manière vitale pour tous les lecteurs de BD, encore plus pour les fans du plus grand détective du monde. Pour ma part, j'attends avec hâte de lire sa suite, Amère Victoire.
mavhoc
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le 7 avr. 2013

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mavhoc

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