Who’s Next
7.9
Who’s Next

Album de The Who (1971)

The Lifehouse Project est une sorte d’Opéra Rock exclusivement destiné à être enregistré en live, et devant servir de B.O. à un film. Il en aurait probablement découlé le meilleur album des Who, voire le meilleur album de Rock de tous les temps. Cependant les intentions de Townshend étant trop obscures sur la nature exacte de la chose pour les membres du groupe, le producteur et probablement Townshend lui-même, le projet fut avorté, poussant Townshend à deux doigts du suicide tant sa réalisation lui tenait à coeur.


Ainsi, en 1971, des cendres du Lifehouse Project naît Who’s Next.
La quasi-totalité des chansons (toutes sauf « My Wife ») furent composées par Townshend, la plupart à l’occasion du Projet Lifehouse.
L’album s’ouvre sur l’immense Baba O’Riley et sa boucle de synthétiseurs faisant partie des premières utilisations du synthé. Le rythme planant des synthés pousse les Who à un style nouveau, jamais entendu auparavant, qui fut même critiqué par les fans lors de la sortie de l’album tant le son est révolutionnaire. La guitare et la batterie se superposent au synthé progressivement, la basse d’Enwistle et la voix de Roger Daltrey viennent se mêler à l’ensemble, faisant évoluer le morceau vers un crescendo jusqu’à la fin. C’est probablement la meilleure ouverture d’album jamais entendue, montrant un réel tournant dans le son des Who, les quatre musiciens maintenant liés au synthé. S’ensuivent Bargain, Love Ain’t for Keeping, My Wife (composé par John Enwistle), The Song Is Over, Getting in Tune et Going Mobile tous aussi géniaux les uns que les autres, où chaque membre du groupe est à son paroxysme, Entwistle est génial à la basse, la composition de Townshend est meilleure que jamais, et ses parties de pianos et de guitare sont toujours aussi efficaces, Keith Moon, atteint probablement le meilleur niveau de batterie que j’ai pu entendre, totalement anarchique et si unique. Daltrey est très juste, dosant parfaitement la sauvagerie dont il peut faire preuve (à l’instar de Moon et de Townshend) avec la clarté que peut avoir sa voix.
Vient ensuite Behind Blue Eyes, dont l’intro à la guitare acoustique de Townshend est désormais culte pour tout amateur de rock. Le morceau lie la voix de Roger Daltrey à la guitare acoustique de Pete Townshend avec brio (le tout sublimé de quelques roulements de cymbale de Keith Moon ainsi que de la basse d’Entwistle apportant de la profondeur au morceau), avant de sauvagement attaquer un solo de guitare électrique accompagné de la basse d’Entwistle et de la batterie de Moon qui viennent exploser en plein coeur de cette parenthèse mélancolique, lançant un cri de colère et de désespoir.
L’album original se clôt alors sur Won’t Get Fooled Again, poussant probablement le talent des Who à leur paroxysme. La pièce de plus de huit minutes commence par une longue boucle de synthé planante, à laquelle viennent se superposer le riff agressif de la guitare, et la partie de batterie totalement chaotique de Keith Moon (qui signe pour moi sa meilleure prestation) le tout calé sur la ligne de basse époustouflante de John Entwistle. La voix puissante de Roger Daltrey vient alors s’ajouter au reste du groupe, criant alors à la révolution, accompagnée une instru chaotique qui nous plonge dans la violence de la révolution. Soudain, les musiciens se taisent et laissent place au synthé seul, la révolution est finie, le monde change, et vient le solo de batterie de Keith Moon suivi du cri surpuissant et désormais cultissime de Roger Daltrey nous livrant un des plus grands moments du rock, les musiciens repartent dans un chaos encore plus total avant de clore l’album, montrant l’impuissance d’un peuple face à la dictature et l’incapacité de l’humain à changer «Meet the new boss, same as the old boss » tant il est pourri par l’ambition.


La réédition de 1995 (que je possède) offre 6 morceaux supplémentaires ainsi qu’une version inédite de Behind Blue Eyes permettant de prolonger le plaisir pour les oreilles avec d’excellents morceaux tels que Naked Eye, Water, Baby Don’t You Do It à écouter absolument.


Bien qu’il soit considéré comme un échec par son créateur (Pete Townshend) à la suite de l’abandon du projet Lifehouse, Who’s Next se place pourtant en immense monument du Rock, montrant un tournant immense dans le rock, et se plaçant pour moi comme le plus grand album de tous les temps. Les quatre membres atteignent leur meilleur niveau et les Who atteignent un son unique (en partie grâce au synthé) marquant un tournant dans leur carrière après l’immense album que représente Tommy. Roger Daltrey dira lui-même qu’il s’agit probablement de leur meilleur album. C’est pour moi cet album qui montre toute la définition de la musique des Who afin de les démarquer de tout autre groupe, ce à quoi Tommy avait déjà bien participé. C’est d’ailleurs ce son qu’on retrouvera dans l’album Quadrophenia, sorti deux ans plus tard et qui montre encore une fois le génie des Who.
J’ose à peine imaginer quel monstre encore plus immense aurait pu être The Lifehouse Project si Townshend avait pu le réaliser...


Inutile de dire que je recommande cet album de tout coeur, tout amateur de rock se doit de le connaître !

Créée

le 3 sept. 2017

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Martin Arnaud

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