Tom McRae
7.6
Tom McRae

Album de Tom McRae (2000)

Grandi dans une église de campagne anglaise, le folk de Tom McRae a conservé le goût des bois tendres et des confessions dures. Vicaires. Les parents de Tom McRae sont vicaires. Et d'après leur mauvais fils, pas grand-chose n'a changé dans la profession de vicaire depuis le xviiie siècle, depuis Jane Austen ­ et Tom McRae l'a mal vécu. Coincé dans un trou du Suffolk, "un endroit très rural, rien que de la campagne autour", il a coupé les ponts dès qu'il a pu, en commençant par refuser d'aller à l'église trois fois dans la journée le dimanche, vilain pécheur. Tom McRae voulait "des lumières éclatantes, des grands immeubles, la pollution, le bruit", il voulait Londres. Une ville assez grande pour lui permettre de nourrir son inspiration, extérioriser ses frustrations, laisser flotter sa mélancolie sans l'œil de Dieu posé sur lui. On n'échappe pas ainsi à dix-huit années d'éducation morale ­ Tom McRae se rebelle, mais dans sa chambre. Nourri à la musique religieuse, aux hymnes et au classique ­ les seules dérogations autorisées étant "un disque de Paul Simon et un autre de Simon & Garfunkel, car les mots avaient une signification" ­, il comprend vite que les confessions folk seront pour lui un exutoire plus efficace que l'abandon au grand guignol rock'n'roll. "La colère fait partie de façon importante de ce que je fais. Et quand on est en colère, c'est plus menaçant de murmurer que de crier. Car les gens, habitués, ignorent les cris. Mais si on murmure, ils écoutent les paroles. L'état de la démocratie en Angleterre, les manipulations génétiques, les OGM, la dette du tiers-monde, la mondialisation, le prix de la bière ou attendre le bus : tout m'énerve." Jeune homme en colère, cet ancien étudiant en sciences politiques qui fait le désespoir de ses parents ­ "Ils racontent à leurs amis que je suis broker ou comptable" ­ n'est pas le tendre artisan pop-folk que la tradition a souvent placé sur notre chemin. Si sa musique, folk triste aux violoncelles asthéniques ­ le terriblement nu The Boy with the bubblegum ­, aux guitares corde au cou, aux percussions menaçantes ­ a&b song ­ pourrait faire croire à une crise contemplative postadolescente bénigne, les mots cruels, méchants, détrompent rapidement. Sur ses musiques discrètes, modestes, héritières directes des musiques de ses héros ­ de Nick Drake à Bruce Springsteen, Mark Eitzel et Paul Simon ­, Tom McRae murmure sa rage et parle de la mort, sans cesse. "Je n'ai pas peur d'avoir l'air démodé à faire des morceaux folks. J'ai essayé de faire une musique honnête, qui vient du cœur. Je fais une musique quand même plutôt triste et en Angleterre, il y a une sorte de tendance à la culture de l'énergique, de la dance, des trucs qui foutent la pêche. Moi, je ne fais pas ça..." Mais un folk empreint d'humour noir, de générosité bourrue, de brume, d'odeur de bruyère, dans la meilleure tradition anglaise rurale. On n'échappe pas à son destin. (Inrocks)


Tom McRae, auteur-compositeur londonien, a du talent à revendre. Pas de doute là-dessus. Dès l'ouverture de son premier album (You Cut Her Hair, à glacer le sang), on sent que l'on a affaire à une voix plutôt unique, intense et noire, aux accents drakiens. On peut comprendre que le grand Scott Walker ait décidé de l'inclure à son programme du festival Meltdown. Ses chansons sont pour la plupart habillées d'un minimum d'accompagnement, quelques arpèges de guitare, quelques cordes, tantôt râpeuses (Bloodless), tantôt précieuses (Language Of Fools), des grincements inquiétants en fond sonore, le bruit du vent. Mais pour parcimonieux qu'ils soient, ces arrangements sont inégaux. Aux magnifiques échos de You Cut Her Hair une guitare pas claire souligne en profondeur le chant de McRae ou de A & B Song, succède le son banal de titres comme One More Mile, beaucoup plus romantico-mainstream. Le juste côtoie le douteux, l'intense flirte avec le convenu. Mais la force dramatique des mélodies qui, lorsqu'elles sont maltraitées, ne fait qu'ajouter à la déception, prend toute son ampleur en ces instants où Tom McRae l'honore de son timbre désespéré, à la limite de la rupture, en équilibre précaire au-dessus du gouffre. Des débuts très prometteurs, donc.(Magic)
Tom McRae, c'est d'abord le choc d'une chanson intitulée "You Cut Her Hair" qui ouvre ce premier album : le grésillement d'un vinyle un peu usé ( mon lecteur CD, atteint de schizophrénie, se prendrait-il pour une platine 33 tours ?) Se greffent là-dessus des accords plaqués sur une guitare électrique au son clair et cristallin. Puis Tom McRae commence à chanter et sa voix se fait perçante et déchirante. Une voix qu'il ose pousser dans ses retranchements. Les violoncelles se chargent ensuite du reste et sont bien décidés à vous donner la chair de poule grâce à des arrangements simples mais subtils et symphoniques. Se dégage de cette chanson une ambiance sombre, brumeuse et dangereusement mélancolique. Cœurs sensibles s'abstenir ? Voici une chanson qui aurait pu être écrite par Nick Drake à l'époque de Five Leaves Left en 1970, Nick Drake qui a peut-être trouvé en Tom McRae un petit frère. Mais il s'agit ici d'un petit frère qui serait aller faire un petit tour sur les routes des grands espaces américains. L'ombre de Springsteen et de son Nebraska n'est jamais loin.Vous l'aurez compris, ne comptez pas sur Tom McRae pour vous conter des histoires gentillettes sur des rythmes endiablés. Pourtant cet inconnu d'anglais sait s'échapper du carcan folk pour découvrir l'agressivité des percussions et que sa guitare est électrique. Les chansons sont donc tantôt calmes et intimistes tantôt plus énergiques et rageuses comme la superbe "The Boy with the Bubblegun", chanson qui se termine par "si les chansons pouvaient tuer ? Celle-ci est pour toi." Vaut mieux bien s'entendre avec Tom, semble-t-il. Des chansons merveilleusement construites qui commencent parfois calmement de façon anodine pour finir en complaintes déchirantes dans un crescendo de guitares et de cordes. Certains titres seront certes plus anodins et moins originaux mais la sincérité est toujours présente. L'instrumentation est plutôt simple, sans artifice mais sans être dépouillée. On observe tout de même un penchant pour les duos guitare/violoncelles. La voix du jeune homme est également une des forces de cet album. Une voix peu timide et toujours mise en avant. Son timbre rappelle bizarrement celui de Marianne Faithfull dans une version juvénile et masculine. Bien sûr cet album n'est pas moderne mais pourrait être indémodable. Les chansons semblent empreintes d'un romantisme si intemporel. Tom McRae est jeune ( 25 ans environ) et paraît destiné à une probable belle carrière de songwriter. Mais ses prochaines chansons vous seront sûrement livrées depuis la Lune ou les étoiles. En effet c'est ce que désire Tom sur "2nd Law", où il est question d'un endroit où "l'air est léger et où la gravité ne vous maintient pas au sol" et d'où l'on peut observer les autres s'évertuer à vivre. (Popnews)
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le 21 févr. 2022

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