Bien que David Bowie se soit séparé de Ziggy Stardust à la fin de la tournée de l'album, il a consacré son personnage d'extra-terrestre en signant, selon moi, son album le plus riche, le plus complet en définitive pour le plus culte. Ode de "rock spatial", genre totalement éphémère, David Bowie démontre qu'il peut enfin voler de ses propres ailes.



C'est d'ailleurs une chanson particulièrement personnelle qui commence l'album, emprunte d'une grande mélancolie. Five Years parle de la mort du père de David Bowie, emporté par un cancer, il ne lui restait que cinq ans à vivre lors de l'annonce du concert. Le monde de Bowie bascule, rendant confus tous ses souvenirs, pour s'emporter en colère, pour déclamer sur la scène l'amertume de la douleur qu'engendre la perte d'un être cher, si l'on tend bien l'oreille, on l'entend pleurer à la fin. C'est certainement l'un des meilleures chanson d'ouverture d'album rock de tout les temps
Soul Love évoque ensuite sur un rythme particulièrement cyclique l'éternelle lassitude face aux amours aliénantes, vide d'intérêt et de sens. Je n'ai pas grand chose à dire sur cette chanson, si ce n'est qu'elle introduit très bien la suivante, Moonage Daydream, première grosse rupture vraiment rock de l'album, qui appelle à la dualité, à la réalisation du rêve (et très certainement à la forte consommation de drogue, le fait de faire un daydream par exemple) qui arrive au milieu d'un cauchemar : ici naît Ziggy Stardust dans l'esprit de Bowie, qui se présente dans l'incroyable Starman, il est, mais il n'est pas encore prêt à affronter le monde, mais son succès auprès de la jeunesse le pousse à se révéler, semblant apogée.
David Bowie s'en prend avec It Ain't Easy au travail des Rolling Stones, déclamant à la fois son admiration pour le groupe mais montrant qu'il peut aussi lui jouer dans ce registre, en le transcendant : la dénonciation constante de la lassitude rend également las : " Satisfaction, satisfaction keep me satisfied (continue de me satisfaire)", placé en contrepoids, Lady Stardust explose tout, et est, selon moi, la meilleure chanson de l'album avant le grand final. C'est toute la mélancolie amoureuse qui est exalté par un Bowie d'une justesse incroyable, d'une voix tendre et cassée à la fois dont lui seul a le secret : il chantait toute la nuit, toute la nuit..., une vraie ode à l'amour d'autre fois à l'amour perdu.


La moitié de l'album permet de mettre en évidence sa structure, qui selon mois renforce le propos de cet de cet album, et qui apparaît ainsi comme limpide. David Bowie sait sans aucune fausse note composer un univers cohérents, remplis de thèmes riches aussi bien dans la musique comme dans l'écriture des paroles. Voilà la question introspective que David Bowie se pose et permet de le consacrer comme un artiste majeur du XXIe siècle, sa musique étant un réel outil de recherche qui a su être dans l'air du temps. Cette question, c'est selon moi celle de l'étranger qui pénètre une société sur laquelle il a un grand ampleur est une réelle mise en abîme du succès rencontré par Space Oditty et Life On Mars. Que faire de tout cette magie, toute cette musique et de ces identités multiples ? C'est ce dont The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spider From Mars traite, proposant un propos artistique jusque là très que légèrement frôler prend vie dans un album parfaitement mesuré, ponctué, atténuée et portée à son apogée Rock'n'Roll suicidaire.


La chute, évoquée par Lady Stardust met en évidence que l'apogée n'est pas présente dans l'album, puisqu'il ne s'appelle après toute que la marche vers le succès et la chute de Ziggy Stardust (je me permet de sauter la chanson précédente que je trouve anecdotique), véritable autobiographie métaphorique, cette chanson aborde de manière fantasmée le passé de Bowie au sein des groupes qu'il fréquentait, et desquels il se démarque très vite, sous l'emprise de cocaïne et à milles lieux du reste du groupe. David Bowie aborde ensuite les troubles de sexualité qu'il rencontre, partagé entre son homosexualité et sa bisexualité.


Et l'album se clôt sur la plus majestueuse chanson de la carrière entière de David Bowie (enfin, toujours selon moi). Porté doucement par la poésie mélancolique d'un Bowie plus amère que jamais, montant progressivement au delà même de la dépression, remontant doucement le chemin de la dépression, surmontant tout d'une force vive, se mettant face à lui même : "Oh non, tu n'es pas seul, changeons", David Bowie attrape les mains de Ziggy et peut enfin le "tuer", redevenir lui même et marquer la musique du XXe siècle, et, aujourd'hui encore, l"histoire du XXIe siècle.


La mort de David Bowie vient de jeter un brève brise sur ma fenêtre, l'Hiver avait enfin démarré, il était envolé. Je ne suis pas un de ces grands admirateurs de la personnalité et je ne prétend pas à connaitre un artiste au delà de cette dimension même, je suis passionné par de la musique, mais je ne suis jamais porté au point d'être fan d'un artiste en tant que personne, en tant qu'objet d'idôlaterie, les yeux pleins de béatitude. J'ai tendance ces derniers temps à écouter cet album en boucle, afin d'aller un peu plus loin : le temps passe vite.

Theo_Atm
10
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le 20 janv. 2016

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Théo Altman

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