Les romans de débauchés commencent sensiblement de la même façon.
Une winston à moitié broyée, le fond d'une bouteille de Scotch puis une prise de conscience. Comme après avoir couché avec cette traînée qu'on aurait, à l'accoutumé, jamais baisée pour moins de trois bâtons ou après dix années de cabane. Cette prise de conscience qui nous dit qu'on mérite mieux que ça, qu'on va accomplir de grandes choses. Ce qu'oublient de dire les conteurs d'histoires, c'est que plus grands sont tes rêves de la veille, plus douloureuse sera ta gueule de bois du lendemain. La boîte crânienne dans un mixeur Bosch, la trachée saccagée par des décalitres d'alcool ingurgités, le système digestif aussi remuant que le taux de mortalité au Congo.
Besoin de relaxation.
Un peu de musique. Du simple. De l'efficace.
Tu dépoussières ce vieux onze titres que t'as jamais eu le courage d'écouter. Prétendument classique. Le genre d'album qu'on s'imagine avoir écouté, sans en comprendre la portée ou la complexité. Le genre d'album qu'on se résout à entreposer chez soi dans l'espoir que jamais personne ne nous questionne sur celui-ci.
Mais toi, t'es courageux, sus aux idées préconçues, tu lances l'écoute. Et la noyade s'amorce.


Ecouter "Five Years" c'est comme se coller un Hoffman double face au palais. C'est cartonneux, pâteux, voire insapide. L'attente se fait longue, au carrefour d'une épopée inénarrable. Coincé au feu rouge.
Mais le moteur ronronne, ronfle,vrombit. Prémices d'une chevauchée mystique où le réel et le raisonnable ne prévalent plus. La montée commence, tes pupilles se dilatent, et tu te demandes qui tu étais vraiment avant que tout cela n'advienne. Bienvenue chez David, là où l'Esprit dépasse la matière. Où La cuillère n'existe pas. Alice a menti, le Pays des Merveilles est ailleurs.
Le feu passe au vert.
Le voyage commence vraiment.
L'absolue bandaison n'intervient qu'avec "Moonage Daydream", une gifle suffisamment rude pour que les chiropracteurs du coin, toujours au chômage, reprennent du service. Une mélodie hypnotique, une ambiance intense, une odyssée musicale digne du débarquement de Normandie. De la poudre, du sang et des pleurs.
Allongé sur la plage, la bouche remplie de sable, les jambes et les bras en confettis. Le ciel t'appelle. L'attraction solaire te happe pour un énième tango, Starman, le morceau censément phare du projet te rappelle à quelle point le grain triste et torturé d'un chant peut magnifier la fadeur de cette foutue terre.


Sufragette City parachève l'oeuvre. Quelle vitalité, quelle excentricité, quel génie. L'ultime danse d'un mortel avec les succubes. Une orgie orchestrale, la partouze de toute une vie. Le type de chansons qui transforment une sainte-ni touche en goule sauvage, insatiable et spermophage.

Puis tu te réveilles.
Hébété, nauséeux, terrassé. Cet item que tu avais si longtemps dédaigné te fais prendre conscience que certaines forces, même et surtout invisibles, sont à l'oeuvre et que jamais plus rien ne sera comme avant.
"Savoir" c'est ne plus jamais être en mesure de reculer.

BertrandThinet
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le 26 sept. 2016

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BertrandThinet

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