La première dose aura beau eu me laisser sur le bord de la route, meurtri et des étoiles plein les yeux, il me fallait tout de même la deuxième. C’est dans une valse à trois temps que je me suis ici lancé, et les trois temps je dois respecter, alors peu importe alors si le prix à payer est une déconnexion totale de la réalité.

Après l’intensité étincelante de la première vague, ses moments de violence entremêlés de douceur, de calme et de plénitude, il est temps d’assumer la deuxième piqure, dont le poison s’insinue usuellement différemment dans mes veines. Pourtant, tout commence de manière terriblement identique. Je plane, je tombe, au centre de la Terre je me laisse avaler par cette force contre laquelle je ne puis rien.

Mais alors que la transe devient maximale, la drogue se calme. Paisible, elle me laisse me reposer, comme si je n’étais déjà plus là. Bien sûr, ce n’est que temporaire et cet apaisement ne lui sert que de piège. Une capture dites-vous, et c’est effectivement cela, tout à fait. Mais une capture douce, sans grande frénésie. Je me laisse faire, car voyez-vous je ne veux pas partir, en réalité. Alors pour cela, la capture me semble être une belle idée.

Et Dieu que je suis alors content de ne pas être parti. Des plaines, une chevauchée monstrueuse, et les Rohirrims remplacent les collègues, les piétons ou les voyageurs. Le Rohan s’étend à mes pieds, vaste Terre qui ne demande qu’à être foulée. Un drapeau, le vent dans mes cheveux, l’extase.

Mais de nouveau, les pulsations qui m’agitent se calment. Elles deviennent plus lancinantes, moins intenses mais plus perçantes, plus… mortelles. Le poison se répand en moi, et à mesure que je traverse les marais je me sens pour la première fois affaibli. Evidemment, cette impression reste fugace, et il ne faudra que quelques notes bien placées pour me figer dans une nouvelle transe, une transe contre laquelle je me sais pertinemment impuissant.

Ce pattern se répètera longtemps. Un roi déchu sur son trône de fer, une porte qui se ferme – m’enfermant par-là même une fois de plus dans ma démence -, des voix dans ma tête, un cavalier, des arbres qui parlent, et le départ. Le départ qui s’ouvre sur le gouffre. Car si je m’étais jusqu’alors laissé bercé par les rythmes, tantôt doux et beaux, tantôt épiques et magnifiques ou encore sombres et lancinants, le gouffre marque un nouveau palier.

Un palier monstrueux. Une descente aux Enfers immédiate qui, au rythme des pulsations de la drogue, aspire l’âme et la projette littéralement ailleurs. Pour peu qu’il me restât alors un pied au sol, ce survivant est fauché pour de bon. Et s’il aura l’occasion de retoucher Terre avant la fin du périple, ce sera pour redécoller à chaque fois un peu plus haut.

Haldir. Un regard et il tombe. Et je sombre avec lui, sans relâche dans les profondeurs de l’Isengard. Je fends l’air tel un poids mort, attendant le choc qui me libérera de l’addiction. Mais il ne vient pas. Au contraire, les voix me portent tel un nouveau courant d’air et, les yeux hallucinés, je regarde le soleil se lever vers l’Est. Sa lumière m’illumine et, l’espace d’un instant, l’espoir renaît. Lors d’un ultime moment de bravoure, je me redresse alors pour, les yeux humides, continuer mon périple. J’ai survécu à la seconde dose.

A l’image de Gollum, Howard Shore crée ici une drogue parfaitement ambivalente, un temps magnifique et pleine d’espoir, un autre sombre et froide comme la mort ; mais toujours terriblement addictive. Finalement, à l’écoute de cette épopée, les mots d’Emilíana Torrini concluant l’aventure ne semblent que trop vrais : « You are lost, you can never go home ».
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le 4 juin 2014

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