Une note. Une basse. C’est tout. Et des grains de sable autour. Une multitude grains de sable. Ou des fourmis travailleuses qui tournent autour de la reine. Des trilles qui partent comme des balles de ping pong. Ce mec à deux mains gauches, ou deux mains droites, je ne sais. En tout cas, quand il décide de partir à l’aventure, on ne fait aucune différence. Et ça se transforme en une vague qui enfle et emporte tout. Et puis ça se calme. Le piano se met à danser. Un peu de boogie boogie, peut-être ? Ou une danse tropicale ? Un jeu de dissonances pour emmerder l’auditeur….c’est parfait, on peut commencer. 15mn45 plus tard, je crois que c’est une chanson pop que j’entends( ?) ( !)  jouée au piano jazz…Avec des accords bien gras, bien lourds. Joué avec  une science de musicien classique accompli, qui pense moderne accompli, et qui fait avec. Pour rigoler on pourrait se dire : Tiens ! Beethoven rencontre un thème de free jazz, et s’amuse à le retourner, le thème. Et une surprise ne venant jamais seule, on ne dirait plus du jazz, mais bien de l’improvisation à volo, par un plaisantin qui s’amuse avec l’instrument. C’est…
Brut de brut. Une attaque brutale, virile( ?) Les cordes claquent sous les marteaux. On dirait qu’il tape avec une masse. Et ça danse !! Surprise numéro deux. J’attendais de l’austérité (la crise n’épargnant personne), j’entends de la danse. Si ça garde quelque sérieux affiché, dû à la complexité de l’expérience, ça s’efface vite par une cavalcade vers l’inconnue, par la volonté d’entreprendre. Un bon improvisateur se lance à la poursuite de l’inconnue. La note pas nécessairement bleu, mais X. Avançons.

Et comme à chaque fois, au bond d’un moment j’ai l’impression qu’ils sont deux! Laisse tomber. Humphh !!...
Combien de temps va-t’il tenir ce thème ? Á cette vitesse ? Sans compter qu’il y a un gars à côté, qui grogne à côté (?) Ça évolue tout en restant pareil, comme dans une boucle. Le piano se transforme lui aussi en grognement ambulant. Puis se fige ! Mouvement lent. Mélodie très agréable. Repos. Très agréable. Mais y’a un gars qui tape du poing sur la table d’harmonie du piano… !! C’est qui ce gars ? Aucun respect. Oh ! Sinon je le trouve très beau ce mouvement lent. Et ça remarche. Et ça se complique. On voit des étincelles. Le piano résonne comme un sourd. Toute la salle sonne. De plus en plus riche et abstrait. Musique contemporaine inventée sur l’instant. On ne reconnaît plus rien. Mélodies à plusieurs têtes, plusieurs tiges, branches, faites au piano, sans autre soutien que le piano. Des choses créées dans l’urgence dans sa tête de piano. Triades, grillades de notes, le piano en surchauffe, superposition de plans, jeu in and out, devant, derrière.


  ATTENTION ! Surtout, n’essayez pas de faire ça chez vous ! Le gars qui est assis devant l’instrument, c’est un virtuose doublé d’un professionnel averti. Le truc tout con, c’est qu’il s’est  retrouvé après une mauvaise nuit, un mal de dos, et un problème ne venant jamais seul, le piano proposé pour le concert n’avait rien à voir avec l’instrument demandé. Au lieu du piano grand concert, la machine de guerre promise, il se retrouve devant une vieille bourrique toute pourrie, qui pêche dans les graves, et n’a pas de vraies basses. Une casserole, ce piano. C’est pas lui qui était prévu. En coulisses, ils se sont trompés de piano, ça arrive…Que faire ? Keith aurait pût se fâcher tout rouge, et annuler le concert. Bon gré mal gré, il décide de le faire quand même, mais surtout, de faire autre chose ; il adapte tant que faire ce peu, son jeu à ce « mauvais » piano, et ça donne quelque chose d’imprévu. Rien à voir avec le programme. Les spectateurs ont dû halluciner. Impro totale….Voilà ! Il donne le meilleur de lui-même, et le concert de sa vie. Heureusement qu’un technicien avisé avait décidé d’enregistrer l’évènement, juste pour le souvenir. Comme quoi ça tient parfois à rien…Il joue…
Et je suis à peu près sûr qu’il ne savait pas qu’il allait faire…ça ! Ou ça là !!! Modulation. Non, fausse piste. La mélodie était bien cachée là, et résiste au flot de notes. Par là. Attention…comment il a fait ça ? Les plages rapportées par un orage de son, de force, de rage. Abstraction, oui, mais lyrique. Et il se calme, en attendant la prochaine vague. Ça s’éteint… Et là, le deuxième gars qui joue à coté, propose autre chose. Il invente un truc. Une cadence plus brillante, en crescendo. Merde, c’est carrément de la musique romantique américaine. Libre et cheveux aux vents. Sans rythme, d’école. Rubato tenu par le col. On ne sait pas où on va, mais on sait qu’on y va. Et ces changements de rythmes, en mouvement, comme des couleurs nouvelles chassent d’autres devenus trop belles sur le nuancier. Ça fait planer. On plane. On peut rêver aussi, c’est pas interdit.

Questions-réponses. Questions sans réponses :
Un éléphant danse avec une ballerine sur un fil tendu comme une corde de piano. Question. Je me suis même fait avoir. Réponse. Et oui ! J’ai crû dur comme fer entendre un vrai contrebassiste, à un certain moment ( ?) Mais non... La corde de piano est tendue comme un slip de bain, c’est pour ça. Presque un tube de variété avec de la musique autour, qu’on entend là... Thème décoratif. Facile à comprendre. Ça me rappelle quelque chose, mais quoi ? Où est-ce que j’ai déjà entendu ce morceau ? Keith Jarret est dans sa boîte à musique. S’il n’y avait que de la virtuosité, ça m’ennuierait vite. Il sait se faire doux, magique, jongleur, expressif, amoureux de la mélodie. Et j’ai bien suivit. Au début, je suivais. J’ai bien vu quand s’arrêtait la première partie. Il y a eut…silence. Mais à partir de : 02. Part II A… (26 :01) C’est le trou noir. Je me suis laissé emporter pour ne plus revenir.


 Beaucoup de choses sont dîtes sur ce disque. La référence du piano solo en jazz. Le graal pour beaucoup de pianistes en quête d’auteurs. Moi, je découvre. Keith Jarret pour moi, ça a toujours été, monsieur : « T’a vu qui est le virtuose, hein ? C’est  moi ! Personne d’autre. » Celui qui en fait des tonnes, pour mettre plein la vue. J’aime pas trop. Mais ce disque semble être à part dans sa discographie. Ça ne ressemble à rien d’autre. Rien que les conditions dans lesquelles il a été enregistré, ça suffit à entretenir une légende. Et comme une légende ça ne vient jamais seul. Il paraît qu’il commencé son improvisation de folie, en s’inspirant d’un thème de quelques notes entendu à la gare. Pourquoi ? Lui seul le sait. 
Angie_Eklespri
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le 23 juin 2016

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Angie_Eklespri

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