The Deconstruction
6.6
The Deconstruction

Album de EELS (2018)

En guise de feu de joie, une bougie qui luit tranquilou à côté de la cheminée.

On va pas se mentir, ça fait bien 13 ans qu'on a pas eu de grand album de la part de Mark Oliver Everett. Depuis le double Blinking Lights and Other Revelations en fait, dernière flambée d'ambition pour Eels à avoir payé. Depuis lors, c'est un peu tranquille pépère, avec un E. de plus en plus sujet à la ballade qu'à la pop-song ou au rock qui crachotte. En 2013 ceci dit on avait bien eu cette espèce d'anomalie, Wonderful, Glorious, album qui redonnait un petit coup de fouet bienvenu à la routine doucement cafardeuse du barbu à lunettes et qui avait été composé pour fêter l'inauguration de son nouveau studio. Ce qui avait, à mes oreilles, fait le succès de ce disque, c'était certes d'une part le punch du disque, le muscle des guitares, la frappe de la section rythmique, mais surtout d'autre part la réduction des ballades à une portion congrue de la tracklist. Il faut bien dire que Mr. E. sait faire de belles ballades, mais celles-ci ont souvent tendance à se ressembler, et un disque excessivement peuplé de ces mignonneries tristounes a vite fait de devenir redondant, voire ronflant.


Ce nouveau cru, 4 ans après le précédent, s'annonçait sous d'assez excitantes auspices : un titre, "The Deconstruction", un artwork montrant une allumette enflammée ; Everett entend-il mettre le feu aux poudres, remettre en question sa bonne vieille tambouille ? On me signale dans l'oreillette qu'il est même allé repêcher un producteur de l'époque Electroshock Blues (oh chouette mon préféré), Mickey Petralia, pour l'épauler. On se prendrait à croire à un album remarquable de Eels en 2018, et pourquoi pas ? Ce ne serait pas l'évènement le plus absurde de l'année. D'ailleurs ça commençait plutôt bien ; le morceau éponyme et premier single (qui ouvre l'album) est un titre intrigant, avec des arrangements de cordes, des petits motifs inversés, des notes d'instruments type onde martenot et un son de basse clair et compact qui donne cette fameuse atmosphère entre la comptine de bonne nuit jouée par les mobiles qu'on accroche au dessus des bébés pour qu'ils dorment tranquille pendant que Papa et Maman fabriquent le petit frère, et un rêve qui menace de virer au cauchemar à tout moment. Un morceau élégant, soniquement recherché (Electroshock Blues à balle) et mélodiquement réjouissant. "Bone Dry" qui suit n'est pas non plus en reste, plus sombre et musclé, avec ses "chalala" et ses "choubidou bidou" viciés en pleine tourmente. Et puis... rien, juste un interlude d'un minute. Déjà ? Ah, maintenant une ballade. Jolie pour sûr, mais me voilà coupé dans mon élan. Un élan qui aura du mal à revenir... l'écran de fumée se dissipe vite. Il y aura bien un "Rusty Pipes" qui parviendra à mettre un peu d'urgence dans la mélancolie, "Today is the Day" qui me ramène au côté ultra poppy et optimiste que peut parfois avoir E, mais sans faire des miracles non plus, "You Are the Shining Light" fait ressortir efficacement le visage teigneux du barbu avec ses changements de tonalité. Le reste, c'est de la ballade (et pas les meilleures du monsieur) ou des interludes.


On a le sentiment, en ressortant de l'album, d'un disque fracturé. Plutôt que de déconstruire son artisanat, Everett s'est contenté d'en consolider encore un peu plus les assises, ne s'éloignant pas de ses petites habitudes en proposant un album en forme de CV, qui évoque les différentes faces de sa carrière mais sans les sublimer plus que ça. Oh, les arrangements sont bien foutus et E sait écrire une chanson, c'est même un plutôt bon album à vrai dire, pas moins que le Cautionary Tales de 2014 mais moins excitant que Wonderful, Glorious et pas vraiment à la hauteur de ce que le papier laissait espérer. Juste du bon vieux Eels, et c'est pas mal. Ouais, pas mal


Chronique provenant de XSilence

Créée

le 10 avr. 2018

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T. Wazoo

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