Nous sommes en 1987. Iron Maiden entreprend l’enregistrement de son septième album, dénommé Seventh Son Of A Seventh Son. Dès sa sortie officielle le 11 avril 1988, l’ouvrage connait un immense succès. Si conséquent que presque 25 années plus tard, son retentissement dans les sphères métalliques reste difficilement contestable. Seulement voilà, le recul des âges aidant, l’arrivée de SSOASS sur le marché musical de 1988 s’apparente aujourd’hui à celle d’un nouveau coq dans le poulailler infecté du rock. Entre 1980 et 1990, les poules, toutes plus salement contaminées par la peste synthétique inhérente à la décadente décennie, se replient sur leurs acquis, tout en les saupoudrant de leur misérable maladie, masochistes qu’elles sont, ces foutues volailles. Ainsi, lorsque le coq neuf, pas encore complètement souillé par la contenance valétudinaire du Bontempi, entre dans le poulailler, l’espoir est de nouveau permis. Peut-être trop. Il faut dire qu’à l’époque, Iron Maiden mérite les attentes liées à cette septième offrande. La vierge a déjà enfanté au moins trois de ses plus beaux rejetons (The Number Of The Beast, Powerslave, Somewhere In Time), dont les deux derniers de manière consécutive. En 1988, toute la populasse est en droit d’attendre le mirifique. En définitive, tout le monde l’attend. Le messie passera par la NWOBHM, peu importe si son message relève de la supercherie. Inconsciemment souciants de notre insouciance, croyons-y coûte que coûte.

L’illusion Seventh Son Of A Seventh Son aurait pourtant pu être percée à jour dès l’accession du grotesque single « Can I Play With Madness ? » au trône des vacheries sonores de l’année. Aussi introductives du morceau sous des airs de « Carry On My Wayward Son », les harmonies vocales du refrain sont franchement ringardes. Le titre en lui-même ne dépasse pas le niveau de la mer : taillé pour une quêtée diffusion radiophonique, il manque d’audace et sombre dans les plus horripilantes facilités. Déprimant dans la folâtrie, il procure un benoît sentiment de sur-achevé, de sur-étudié pour la réussite commerciale. Nous sommes alors en mars 1988. Voilà maintenant que, ce premier single délivré telle une vicieuse chausse-trappe, d’étranges rumeurs déambulent autour de la teneur de l’album à venir… Il serait progressif ! Il s’agit là de la première, et de la plus substantielle des supercheries liées à Seventh Son Of A Seventh Son : faire croire aux admirateurs déjà acquis à la cause que l’ouvrage relève du progressisme. En réalité, rien, strictement rien n’y est progressif. Steve Harris a beau asséner à tous son adulation pour les artistes ésotériques de la décennie passée, cela n’en fait pas un maître de l’ésotérisme. Pour autant, le message est passé et contribue à augmenter les attentes des auditeurs potentiels. Ces mêmes auditeurs se voient ainsi brossés dans le sens du poil avec une missive résumable en ces termes : si vous êtes capables d’aimer Seventh Son Of A Seventh Son, c’est que vous aimez le rock progressif, et donc, que vous êtes un mélomane dôté d’un bon goût inébranlable, capable de déceler les plus grandes complexités.

Mais voilà. Hormis le nom à rallonge, cette offrande de 1988 n’a rien de progressif. Sous couverts de claviers somme toute discrets, de passages atmosphériques succincts, et de reprise, en début et en fin d’album, d’un même thème folk par Dickinson, Iron Maiden s’ouvre d’hypothétiques portes sybillines, tandis qu’en réalité la recette est exactement la même qu’auparavant. Jusque dans la disposition des morceaux. De ce point de vue, Seventh Son Of A Seventh Son est comparable à The Number Of the Beast : dans les deux cas, au premier morceau énergique (« Moonchild » / « Invaders ») succède un autre plus atmosphérique (« Infinite Dreams » / « Children Of The Damned »). Puis la synthèse des deux intervient (« Can I Play With Madness » / « The Prisoner »). Heureusement apparaît « The Evil That Men Do », l’atout de charme de ce SSOASS. De loin la meilleure chanson de l’album, grâce avant tout au refrain très inspiré de Dickinson, elle permet tout de même à l’ouvrage de s’en tirer avec quelques honneurs, aussi peu progressifs soient-ils. D’ailleurs, revenons-y, au progressisme. Individuelles, les chansons sont supposées être interconnectées par l’arc du concept album, mais rien n’y fait : il n’y a pas ici de réelle continuité, si ce n’est parolière. Le titre éponyme, principal argument du progressisme nouveau d’Iron Maiden, reprend à peu de choses près le format de l’antérieure « Rime Of An Ancient Mariner », sans pour autant outrepasser la qualité de frappe de cette dernière. Sans compter que Dickinson y est tout bonnement insupportable, à essayer de la sorte de singer les mimiques vocales de Ronnie James Dio... Tous ces éléments considérés, l’auditeur est en droit de se demander si, au bout du compte, le seul élément nouveau ne serait pas l’arrivée des claviers. Un comble : ces derniers jouent un rôle finalement dérisoire. C’est dire la réelle influence des musiques progressives sur Seventh Son Of A Seventh Son.

Considérer cette œuvre en tant que progressive ou non aurait pu ne pas être le nerf du problème si, du reste, les compositions étaient supérieures à celles élaborées précédemment par le groupe. Mais il n’en est malheureusement rien. Les changements de rythmes, aussi nombreux que poussifs, témoignent d’une déplorable incompétence à proposer des sonorités plus radicales et en même temps plus abouties que par le passé. Les huit titres tournent en rond, passent par une oreille, ressortent par l’autre et, hormis quelques exceptions (« Moonchild », « The Evil That Men Do »), ils n’atteignent pas de sommets déjà appréhendés par Iron Maiden, soit dans The Number of The Beast, soit dans Powerslave, soit dans Somewhere In Time. Le coq est contaminé mais aux yeux de la plupart, il est le remède de la maladie...
BenoitBayl
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le 5 déc. 2013

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Benoit Baylé

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