Aphex Twin fait partie des artistes un peu trop géniaux desquels je passe souvent à côté; non pas à cause d'un repoussement, ou d'un dégoût que m'inspire leur nom ou leur oeuvre de manière globale, non, loin de là. Bien au contraire même, ce sont des artistes que j'écoute souvent sur mon smartphone, dans mon lit, avec le smartphone sous la couette (c'est dire le niveau d'intimité qui me lie à eux !). Mais disons que... voilà quoi, leur musique ça s'écoute bien très tard le soir, et ça donne bien envie de faire dodo quand même. Non ?
Boards of Canada, Autechre, Slowdive, et maintenant Aphex Twin; tant de noms qui cachent des talents de fou qui mettent en oeuvre des performances de malade (okay, Slowdive un peu moins, mais c'est mes chouchous), dont je ne me rends que trop rarement compte à cause du fait que je dorme durant cesdites performances.
Il a suffi d'un voyage en bus de cinq heures pour que je me mette à reconsidérer le travail de ce cher Aphex et que je me remette à aborder sa sélection d'Ambient Works. Parce qu'un vrai album c'est sympa, mais une compilation de travaux réalisés sur une septaine d'années* c'est quand même plus cool.


L'album porte bien son nom, c'est "ambient", et pas qu'un peu. On a forcément le droit à une bonne dose de basses profondes, de beats cosmiques et de nappes de synthé frénétiques. Qui permettent la méditation, l'introspection, la lancée d'une nouvelle pensée philosophique en votre esprit, ou, en ce qui me concerne la plupart du temps, le dodo. Dans tous les cas, chaque track vous fera forcément passer outre ce monde et plonger dans une nouvelle dimension ultraspatiale. Et si ce n'est pas le cas, c'est probablement que vous n'avez pas d'âme, ou que vous n'êtes pas issus de poussières d'étoiles comme nous le sommes tous.
(Et si vous n'êtes pas d'accord, allez sur Wikipédia regarder ce qui a inspiré le nom de chaque morceau. Poudre de métal, largeur d'impulsion, dieu du Soleil ou nom d'astronome, on est quand même dans des domaines assez perchés...)
Ce qui est admirable au-delà de l'état de transe que chaque morceau inspire, c'est qu'il y a beaucoup de morceaux qui sont catchy. Vous savez, j'adore la bonne musique. Mais j'adore la musique qui reste bien dans la tête, aussi. La présence de l'un n'excuse pas l'absence de l'autre, et quand je retrouve les deux, je suis heureux. Alors si vous aussi vous en avez marre de voir votre inconscient vous repasser en boucle le dernier son "à la mode des jeunes" ou une vieille chanson de Michel Jackson, venez donc sortir de cet état de désespoir ultime en vous abîmant les oreilles sur Pulsewith, avec son synthé tout mignon mais entraînant, et son rythme digne des morceaux de techno les plus envoûtants. Ou mieux, encore, écoutez Heliosphan. Si le "tibibi tibilibili tibi bilibi bi bi li bi" du début et de la fin du morceau ne vous reste pas profondément gravé dans le cerveau, je ne vois pas ce qu'on peut faire pour vous....
Enfin, en plus d'avoir une atmosphère onirique et puissante, et des motifs mélodiques entraînants et entêtants, cet album se trouve être très varié !! Chaque morceau a une ambiance particulière et déploie tout un attirail de sonorités différentes, mais qui se ressemblent malgré tout. Ce qui permet d'écouter tout d'une traite en ayant l'impression de rester dans le même esprit, dans une même continuité, dans un même rêve; mais de passer à chaque fois dans des états, des attitudes, des sensations bien différentes; et de ne jamais s'ennuyer. Parfois ces changements d'attitude se font dans le même morceau, au travers d'une phase musicale, ou d'une simple sonorité; à voir Green Calx qui passe d'une ambiance plutôt pépère dans sa première minute à un truc carrément plus inquiétant en coupant net la composition instrumentale et en la changeant à moitié dans certains passages, en rajoutant des espèces de crescendo de sons étranges et angoissants en plein milieu, et même des cris, terrifiants. Mais qui sont beaucoup moins stressants quand on écoute tout l'album d'une traite, en réalité. Le tout agit comme une sorte d'hypnose, on est englués dans la transe qu'installe la musique; et si écouter Green Calx seul fait peur, l'écouter juste après un petit I à la chaleur réconfortante et un Heliophan jouissif et enivrant calme la chose, la peur devient plus étouffée, plus sourde, - mais elle est peut-être un peu plus surprenante aussi.
(Bien sûr il n'y a aucune peur qui ressort de ce morceau si vous êtes un rustre insensible et brutal, mais ça, ça va de soi)
Quant à la fin de l'album, je ne la connais que trop mal, parce que la transe hypnotique de l'album marchant justement trop bien sur moi, il arrive trop souvent que je m'endorme en plein milieu, ou pire, que je le coupe avant la fin parce que la réflexion philosophique qu'il aura permis de germer en mon esprit m'aura fait sortir de la couette en un bond pour aller sauver le monde et améliorer la personne que je suis au quotidien.


En clair, Selected Ambient Works 85-92 est un album vraiment génial, à mettre entre absolument toutes les oreilles, parce qu'en plus de tout ça, c'est très accessible, et c'est beau. C'est très probablement mon Aphex Twin préféré, en même temps il faut que je réécoute d'une oreille plus attentive ses autres albums, mais c'est tout de même étonnant de se dire que c'est déjà aussi percutant alors que le bonhomme a composé certains des morceaux à ses 14 ans !
Donc vous m'avez bien compris; lundi prochain au travail je veux vous entendre chantonner les lignes de synthé d'Ageispolis ou de Heliosphan, et rien d'autre. Si j'entends du Rihanna ou du Christophe Maé, ça va très mal aller pour vous.

burekuchan
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le 27 oct. 2016

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burekuchan

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