Cela fait déjà dix ans depuis ma découverte de Selected Ambient Works, qui fut déterminante dans ma culture musicale. Il y a eu un avant et un après.
C'est par simple curiosité envers la pochette du disque, trouvé dans ma médiathèque de quartier que j'ai découvert Aphex Twin. A ce moment-là j'ignorais tout de sa réputation et ne connaissais strictement rien à la musique électronique. C'est donc en néophyte total que j'ai découvert l'album.
J'ai tendance à avoir plus d'affection pour les oeuvres dont je réussis à situer la découverte dans le temps. Dans ce cas précis je suis capable de me rappeler de la première écoute : il pleuvait, le ciel était d'un bleu pâle et je me rendais en cours en traversant la rue où je vivais à l'époque, les écouteurs dans les oreilles, branchés à mon Ipod. Il n'y avait pratiquement personne. Le cadre est posé et il a son importance, car dès les premières minutes d'écoute j'ai eu l'impression d'être projeté plusieurs siècles en avant, dans un Paris futuriste et holographique. Je pouvais imaginer les bâtiments autour de moi se métamorphoser en fonction des sonorités, la pluie devenir bleue, des vaisseaux planer au-dessus des immeubles, etc...de la pure synesthésie au dernier degré.
SAW 85-92 est très vite devenu l'un de mes albums préférés, que j'ai écouté des dizaines de fois depuis et qui continue encore aujourd'hui à m'immerger dans la psyché de son créateur. Rares sont les artistes du même registre à m'avoir fait autant voyagé à la simple écoute. Un pur électro-choc qui semble tout droit sorti d'un studio extraterrestre tant les sonorités semblent hors de notre monde.
"We are the Music Makers, and we are the Dreamers of Dreams".
C'est cette citation de Willy Wonka samplée sur l'un des morceaux qui résume tout simplement la pensée que Richard D. James prend par rapport à sa musique. Aucun message politique ou philosophique n'est délivré, ça touche surtout la fibre émotionnelle de l'auditeur. On passe de l'excitation à la transe en fonction des morceaux, et l'on se plonge dans des univers hors de notre époque et de notre planète. C'est, en fonction des morceaux, onirique, futuriste, chimique, toxique, mélancolique, parfois tout ça à la fois. Les qualificatifs ne manquent pas et pourtant nombreux sont les albums qui pourraient aussi les recevoir. Mais celui-ci a une place particulière chez moi qui le situe au-dessus des autres.